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"Crimson-prince" T1 & 2 par Souta Kuwahara

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Nouveau manga paru chez Ki-oon, " Crimson Prince " s’adresse clairement à un public âgé d’une douzaine d’années. Néanmoins, il remplit à merveille son rôle : divertir avec une histoire mignonne, pleine de bons sentiments, et très bien construite. Huit volumes sont déjà parus au Japon et la série est toujours en cours...

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© Souta Kuwahara - Square Enix - Ki-oon
Au départ, ce manga ne paye pas de mine. Pourtant, la couverture cible parfaitement son public : les jeunes filles entre dix et douze ans. Le trait est rond et maitrisé. Les couleurs sont dans les tons de rouge extrêmement bien répartis et savent utiliser les dégradés à bon escient : peu d’effets, beaucoup d’aplats. Une couverture empreinte de mélancolie naïve : de quoi combler les jeunes lectrices.
L’intérieur est lui aussi plutôt réussi : les dessins, en noir et blanc, sont classiques et maitrisés. La mise en page agréable (mais aussi le scénario) embarque rapidement le lecteur et les chapitres s’enchainent automatiquement, sans que l’on s’en rende compte. Une fois le premier tome fini, on en redemande... Heureusement, les éditeurs français sortent maintenant les deux premiers numéros d’une série en même temps : de quoi ne pas rester frustré trop longtemps.
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© Souta Kuwahara - Square Enix - Ki-oon
Quoi qu’il en soit, il faut bien se plonger dans la peau d’une jeune fille d’une dizaine d’années pour apprécier cette histoire naïve et pleine de poésie. Le plus étrange est, qu’au Japon, cette histoire est sérialisée dans le magazine Shounen GanGan de Square Enix. Or, ce magazine mensuel est plutôt destiné aux jeunes garçons : pourquoi pas !
Le scénario est basique : Kôjirô Sakura est un prince des démons qui étudie, comme tout enfant, afin de parfaire son éducation... de démon. Pour valider son cursus scolaire, il doit faire un stage sur terre avec une mission bien particulière, liée à son rang de prince : trouver et éliminer un humain aux pouvoirs exceptionnels afin de l’empêcher de s’allier au monde du ciel. Comme il est un peu malchanceux, et bien moins méchant que son statut de démon pourrait nous faire croire, il commence par se faire assommer avec une balle de base-ball. Il est soigné par Hana, jeune fille providentielle et pleine de joie de vivre. Elle finira par héberger Kôjirô, car, à cause de l’incident avec la balle, il est arrivé en retard à son hôtel et sa chambre a déjà été relouée : il n’a vraiment pas de chance. Bien évidement, l’Œil pourpre, mystérieuse puissance de démons s’affole au contact de Hana. Serait-elle la personne qu’il recherche ?
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© Souta Kuwahara - Square Enix - Ki-oon
Je vous avais prévenu, l’histoire est convenue : rien de vraiment innovant ou particulièrement mémorable dans " Crimson Prince ". Pourtant, ça marche ! À la lecture de ce manga, on se laisse embarquer dans les déambulations tragicomiques de cette apprentie démon. Le dessin clair nous aide beaucoup à dévorer littéralement l’histoire.
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Le premier volume a la particularité d’être scindé en deux parties distinctes. D’un côté, le récit de base avec les trois premiers chapitres (lequel se continuera avec le volume 2) ; alors que la seconde moitié du premier tome reprend la nouvelle qui a servi de principe de départ à l’auteur pour une série plus longue : Smile Game. C’est un classique au Japon. Les éditeurs testent les histoires sous forme de récit complet dans leur magazine de prépublication puis, si le succès est au rendez-vous, ils commandent une série à suivre. La structure de cette histoire complète diverge énormément par rapport à la série. Il y a toujours cette histoire de démon devant passer son examen sur terre mais, cette fois-ci, il devra voler un sourire à une jeune fille taciturne qui ne sourie jamais. Gros chalenge si les dés n’étaient pas pipés. C’est amusant, plein de naïveté, mais ça se lit très facilement. En revanche, il est étrange d’avoir placé cette nouvelle en fin du premier volume, la tradition fait, qu’en général, l’éditeur le propose en clôture de série ou dans un recueil à part. Comme c’est le premier manga relié de Souta Kuwahara, peut être que l’éditeur n’as pas voulu prendre de risque.
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© Souta Kuwahara - Square Enix - Ki-oon
Quand au second volume, il démarre sur les chapeaux de roue avec un long chapitre d’action pour ensuite reprendre son rythme normal, un peu contemplatif. À voir où cela mènera l’histoire sur plus de huit tomes, celle-ci étant toujours en prépublication au Japon.
" Crimson Prince " n’obtiendra surement pas le prix du manga de l’année ou celui de l’originalité, mais fera passer un bon moment à son lecteur et c’est ce qu’on attend d’une œuvre bien construite.
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© Souta Kuwahara - Square Enix - Ki-oon
Gwenaël JACQUET
" Crimson-prince " T1 & 2 par Souta Kuwahara Édition Ki-oon (6,5 &euroWinking
Article paru à l’origine sur BDZoom.com

"Summer Wars" par Iqura Sugimoto

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Adapté du long métrage du même nom, le manga " Summer Wars " prend néanmoins une certaine liberté par rapport au scénario original. Et c’est tant mieux, car il se trouve être plus agréable qu’une simple adaptation rébarbative. Choisi, en personne, par le réalisateur Mamoru Hosoda, le dessinateur du manga, Iqura Sugimoto, a pris ses distances par rapport au film et a ainsi pu rajouter certains passages impossibles à placer dans le long métrage du fait de sa durée limitée, comme cela est indiqué en postface du livre.


Si Mamoru Hosada est assez connu à travers le monde, c’est avant tout pour son excellent film " La Traversée du temps ". " Summer Wars " est son cinquième long métrage. Avant cela, il n’avait travaillé que sur des adaptations cinématographiques de série TV comme le sixième film de " One Piece " et les deux premiers films de " Digimon "(1). Du coup, cela se ressent clairement dans " Summer Wars ", le scénario du film est bien adapté à un public jeune, adepte de scènes d’action et sensible aux valeurs morales de la famille. Même si, techniquement, il est intéressant, l’histoire basée sur des poncifs tombe un peu à plat et les rebondissements ne surprendront que peu de spectateurs.

Première planche du manga © Mamoru Hosada - Iqura Sugimoto - Kadokawa Shoten - Kaze
Si, en 1983, " War Games " faisait son petit effet en montrant un très jeune informaticien prendre le contrôle de la planète à partir du réseau, aujourd’hui, cela semble un peu surfait. Même si Facebook, Second Life, Habbo, Twitter et autre réseaux sociaux envahissent notre monde virtuel et s’interconnectent de plus en plus entre eux, aucun n’a la prétention de se substituer à la vie physique en remplaçant chaque humain par un avatar. C’est pourtant le principe de départ du scénario de " Summer Wars " : OZ, le réseau des réseaux, interconnecte chaque humain, chaque administration, chaque commerce dans le monde. Il traduit à la volée les dialogues, offre un espace virtuel pour faire des démarches administratives bien réelles, permet de faire du shopping, du sport, des rencontres et bien d’autres activités sans lever le nez de son écran ; que ce soit, celui de l’ordinateur, du téléphone ou de la console de jeu dernier cri : une vision un peu schizophrène du monde informatique, pourtant présenté de manière idyllique.


Deux visons d’OZ © Mamoru Hosada - Iqura Sugimoto - Kadokawa Shoten - Kaze
Le manga contrairement au film ne commence pas par la présentation d’OZ. Il parle d’abord de la complexité des rapports humains en montrant l’attirance du héros, Kenji, pour sa camarade de classe : Natsuki. Bien sûr, l’histoire reprend les mêmes bases, mais en mettant l’accent sur les personnages, en les rendant humains. Le lecteur découvrira réellement OZ, au fur et à mesure. Ces différences sont logiques, Igura Sugimoto a commencé à travailler sur son œuvre alors que le film n’était pas encore finalisé.

© Mamoru Hosada - Iqura Sugimoto - Kadokawa Shoten - Kaze
Kenji, jeune nerd peu sur de lui, est embauché par Natsuki : la fille la plus populaire du lycée, laquelle a un caractère bien trempé. Il doit l’accompagner, à la campagne, pour jouer le rôle de son petit ami lors de l’anniversaire de sa grand-mère. Bien évidemment, Kenji s’est fait manipulé sur ce coup, il n’était pas au courant du rôle qui lui était demandé. Tout comme il s’est fait manipuler en recevant un courriel avec un problème de mathématique insoluble pour le commun des mortels. Sauf que Kenji est un crack en math et que, en une nuit, il réussira à résoudre l’équation... Ce qu’il ne sait pas, c’est que le code qu’il a renvoyé permettra à une entité virtuelle de prendre le contrôle d’OZ et, donc, de plonger le monde réel dans une pagaille monstre. Kenji est réellement le stéréotype du nerd, de l’otaku, extrêmement intelligent, mais renfermé et incapable de réagir au monde qui l’entoure.

Illustration typique du nerd en action. © Mamoru Hosada - Iqura Sugimoto - Kadokawa Shoten - Kaze
Iqura Sugimoto, le dessinateur du manga " Summer Wars " n’est pas un inconnu en France. Il a déjà publié " Variante " chez Glenat, en 2008(2).
Manga beaucoup plus violent et destiné à un public averti, contrairement à cette adaptation d’un animé tous public. Le dessin est également différent puisque basé sur les travaux préparatoires de Yoshiyuki Sadamoto, character designer extrêmement célèbre pour la création des personnages de " Nadia ", " Evangelion " et, bien évidement, ceux de " La Traversée du temps". Néanmoins, on retrouve la dynamique du trait de Sugimoto : ses personnages sont expressifs et la mise en page dynamique. Un vrai plaisir pour les yeux ! La gestion de l’espace et la mise en scène des différents protagonistes sont parfaitement gérées. On s’attache vite à ces nombreux personnages et à leurs différences de caractère, ce qui offre un bon moyen de varier le cours des choses et de relancer l’intrigue. Les situations sont un peu stéréotypées, mais c’est un classique de la bande dessinée, et pas seulement japonaise. Prévu en trois volumes, le premier se termine inévitablement sur un énorme clifhanger.

Double planche d’introduction du manga © Mamoru Hosada - Iqura Sugimoto - Kadokawa Shoten - Kaze
À savoir pour les collectionneurs, cette première édition de " Summer Wars ", tirée à 10 000 exemplaires quand même, est présentée avec une jaquette plastique reprenant le visuel des avatars d’OZ. Si le manga est réédité, elle ne sera pas présente. Bien entendu, la jaquette normale est cachée en dessous. Je dois dire que je la trouve bien plus attrayante grâce à un superbe dessin mis en couleur à l’aquarelle.

Version collector à gauche, jaquette normale à droite.© Mamoru Hosada - Iqura Sugimoto - Kadokawa Shoten - Kaze
" Summer Wars " reste un bon manga, même si son scénario original n’est pas très captivant. Néanmoins, cette version reste bien au dessus du film de Mamoru Hosoda, car Iqura Sugimoto a su rattraper par son dessin, et par sa construction narrative, la plupart des écueils dans lesquels le réalisateur était tombé. Même si vous n’avez pas aimé le film, plongez-vous dans le manga : vous serez surpris.

© Mamoru Hosada - Iqura Sugimoto - Kadokawa Shoten - Kaze
Les premières pages sont en lecture libre sur le site de Kaze : http://preview.kaze-manga.fr/flash/omv/index.php ?x=sum/sum1
Gwenaël JACQUET
" Summer Wars " par Iqura Sugimoto Éditions Kazé manga (7,50&euroWinking
(1) Mamoru Hosada commence sa carrière comme intervaliste sur la série " Magical Tarurūto-kun ", de 1991 à 1992. En 1993, il passe animateur sur l’épisode 5 de la série d’OVA de " Crying Freeman ". Rôle qu’il reprendra pour la série d’OVA de " Kamen Rider SD ", la même année ; il enchaîne ensuite avec l’épisode 173, et avec le huitième film de " Dragonball ". Il devient assistant à la direction d’animation sur le film " Coo : Tōi Umi Kara Kita Coo ", à la fin de l’année 1993. Il continuera comme animateur sur des séries comme " Slam Dunk " (épisode 28 en 1994 et 70 en 1995), le premier long métrage de " Yu Yu Hakusho " ou le dixième film de " Dragonball ". En 1995, il continue avec les épisodes 1 et 7 de " Okinjo ", puis dirige les épisodes 27, 33 et 37 de " Jūni Senshi Bakuretsu Eto Ranger ". Il repasse animateur en 1996 sur l’épisode 173 de " Sailor Moon" , le dix-septième film de " Dragon Ball Z " et le premier film de " Gegege no Kitaro ". À partir de 1996, il sera directeur des épisodes 8, 18, 24, 29, 40 et 43 pour " Rurouni Kenshin ". C’est avec l’épisode 29 de " Utena ", en 1997, qu’il devient scénariste. Sur cette série il s’occupera également du storyboard des épisodes 7, 14, 20, 23, 29, 33 et 39 et de l’animation des épisodes 7, 18 et 23. Il continuera la fonction de storyboarder sur " Gegege no Kitaro " avec les épisodes 94, 105 et 113 de 1997. Passé animateur sur le film " Galaxy Express 999 : Eternal Fantasy ", en 1998, il fera le storyboard des épisodes 6, 14, 20 et 30 de la série " Himitsu no Akko-chan ", la même année. En 1999, il est aussi le storyboarder sur les épisodes 20 et 22 de " Tenshi ni Narumon " et sur l’épisode 21 de " Digimon Adventure " ; ceci avant d’entamer une carrière de réalisateur de long métrage avec le premier film de " Digimon ", suivi du second, dès l’année suivante. En 2002, il reprend la place de storyboarder sur les épisodes 40 et 49 de " Magical Dorémi ", puis sur les épisodes 5, 12 et 26 de " Nadja ", en 2003. Il fait un break en réalisant une publicité pour Louis Vuitton, " Superflat monogram " et, en 2004, il s’occupe du storyboard de l’épisode 199 de " One Piece ", avant d’en réaliser le sixième film en 2005. 2006 c’est l’année de la réalisation de " La Traversée du temps " et 2009 celle de " Summer Wars ".
(2) Un autre manga de cet auteur sera disponible 2011, " A lollypop or a bullet ". Tirée d’un roman de Kazuki Sakuraba, la série comporte deux volumes et sera éditée par Glenat, en février et avril 2011.

Article paru à l’origine sur BDZoom.com

"Osamu Tezuka : Le dieu du manga"

Aujourd’hui, je ne vais pas vous chroniquer un manga, en tant que tel, mais un livre extrêmement complet sur Osamu Tezuka, son œuvre et son apport considérable au manga contemporain. Alors qu’" Astro le petit robot " revit sous la plume de Naoki Urusawa dans " Pluto " et a même eu l’honneur d’un film en 3D en 2007, la sortie d’un tel livre revenant aux fondamentaux de l’œuvre de ce génie créatif semble une bonne chose pour appréhender sérieusement pourquoi Osamu Tezuka est qualifié de " Dieux du manga "

Helene McCarty n’est pas une novice : cela fait plus de vingt ans qu’elle œuvre dans le monde du manga, en Angleterre. Des 1991, elle fonde le premier magazine anglais sur le manga et l’animation japonaise " Anime UK ". Avant cela, elle a même participé à l’organisation de convention et autres manifestations en rapport avec le Japon et le monde des arts. Son premier essai sur le manga, intitulé " Manga Manga Manga, A Célébration of Japaness Animation at the ICA "(1) sera publié, dès 1992. Il faut se replacer dans le contexte de l’époque ou le premier livre français, " L’Univers des manga " de Thierry Groensteen (2), ne fut publié qu’un an auparavant, en 1991, et n’était qu’une redite par rapport au livre de référence (en anglais) sur l’historique de la bande dessinée japonaise : " Manga Manga, the worldwide of Japaness Comics " de Frederik L. Schodt sorti, pour sa part, en 1983. Ami personnel de Tezuka, Schodt avait pris contact avec le maitre afin de traduire en langue anglaise son " Phoenix " dés la fin des années soixante-dix. Néanmoins, Helene McCarty explique pourtant, dans sa préface, que l’œuvre de Tezuka et son apport incommensurable au développement du genre sont assez méconnus aux USA (3). Elle fait également remarqué que le manga existait bien avant Osamu Tezuka et, justement, son livre s’exerce à démontrer pourquoi cette industrie du divertissement est devenue ce que nous connaissons aujourd’hui et en quoi cet auteur a révolutionné tout ça.

Le livre est présenté de manière chronologique, décennie par décennie. Depuis sa naissance le 3 novembre 1928 jusqu’à son héritage, faisant suite à sa mort brutale le 9 février 1989. Chaque époque est détaillée par rapport aux mangas et animés crées durant la période. Entre la partie sur son enfance et ses plus grands travaux, Helene McCarty explique chaque personnage de l’univers de Tezuka. En effet, au fil des œuvres, les protagonistes d’un manga pouvaient se retrouver dans un autre, pourtant situé dans une époque ou un lieu différent, tel un acteur qui jouerait un rôle. Bien sûr, la partie la plus importante concerne " Astro ", œuvre emblématique et mascotte intemporelle de Tezuka.

Particulièrement documenté et érudit, cet excellent livre bénéficie, en plus, d’une traduction française irréprochable due à Jean-Paul Jennequin. Ancien rédacteur en chef de la revue " Tsunami " (4), il a fait un formidable travail d’adaptation pour le public français. Les personnages, s’ils existent chez nous, gardent leurs noms francophones. Un listing des différents mangas de Tezuka paru en langue française est inclus en fin de volume et est repris dans l’index à côté du titre original japonais et de son éventuelle traduction anglaise. Son style est élégant, ni pompeux ni lourd, ce qui permet une lecture fluide et agréable de l’ouvrage.
Le livre, en lui-même, est superbe. Les éditions Eyrolles, peu habituées à présenter ce genre d’ouvrage(5), ont néanmoins fait un travail remarquable. Carton épais pour la couverture renforcée par un Astro Boy découpé, donnant du relief à l’ensemble(6). Le tout protégé par une jaquette de plastique épais sérigraphiée en blanc au nom d’Osamu Tezuka : copie conforme de sa version originale, à un prix correct de 32 € ; le livre étant vendu 40$ aux USA.

Les images en couleurs ou en noir et blanc sont toutes d’excellente facture, pas de captures d’écran pixelisées comme on en retrouve de plus en plus dans les ouvrages récents. Ici, Helene McCarty est partie de documents originaux scannés avec soin et mis correctement en valeur : un très beau travail, agréable et fluide, aussi bien au niveau du visuel que de la lecture.
Seul regret, sûrement dû à un souci de droit et de traduction en français, l’édition originale américaine du livre était accompagnée d’un documentaire sur DVD " The Art of Ozamu Tezuka : the secret of creation ". Extrêmement intéressant, ce reportage produit par la télé japonaise NHK présente Tezuka dans son environnement de travail quotidien, tel qu’il était en 1985. On y voit un personnage humble et travailleur, loin du cliché réducteur sur le " manga, objet de consommation produit à la chaine ".
Cet ouvrage n’est pas destiné aux seuls amateurs de vieux mangas. Tout le monde peut y trouver une somme d’informations considérables et enrichir sa culture de la bande dessinée japonaise de manière agréable.
Gwenaël JACQUET
" Osamu Tezuka : Le dieu du manga " par Helene McCarty Édition Eyrolle (32&euroWinking
(1) La bibliographie d’Helene McCarty comporte de nombreux livres sur le manga et l’animation : " Manga Manga Manga, A Celebration of Japanese Animation at the ICA " publié en 1992 par Island World Communications (ISBN 0952043408), suivi en 1993 de " Anime ! A Beginners Guide To Japanese Animation " chez Titan (ISBN 1-85286-492-3), puis : " The Anime Movie Guide : Japanese Animation since 1983 " chez Titan en 1996 (ISBN 1-85286-631-4). Elle a écrit aussi trois livres en collaboration avec Jonathan Clements : " The Erotic Anime Movie Guide " toujours chez Titan en 1998 (ISBN 1-85286-946-1), ainsi que " The Anime Encyclopedia : Japanese Animation since 1917 " chez Stone Bridge Press en 2001 (ISBN 1 880656 64 7), complété en 2006 (ISBN 1 933330 10 5), et enfin " 500 Manga Heroes and Villains " chez Collins & Brown, en 2006 (ISBN 1-84349-234-3). Elle publie également, en 1999,, un des plus importants livres sur " Hayao Miyazaki : Master of Japanese Animation " chez Stone Bridge Press (ISBN 1-880656-41-8), " 500 Essential Anime You Must Own " chez Ilex en 2008 (ISBN 9781905814282), " Manga Cross-Stitch : Make Your Own Graphic Art Needlework " chez Ilex en 2009 (ISBN 978 1905814510) et l’édition originale de " The Art of Osamu Tezuka : God of Manga " chez Ilex en 2009 (ISBN 978 1905814664)
(2) " L’Univers des mangas, une introduction à la bande dessinée japonaise " est publiée en 1991 chez Casterman (ISBN 2203326034), alors que Thierry Groensteen est " conseiller scientifique " au CNBDI. L’année d’avant, en mars 1990, " Akira " de katsuhiro Otomo sortait en kiosque grâce aux éditions Glénat et le Japon était l’invité d’honneur du 18ème festival d’Angoulême, en janvier 1991, avec comme invité : Buishi Terazawa (" Cobra "), Jiro Taniguchi (" Blanco ") et Masashi Tanaka (" Gon "). Ils furent totalement ignoré du public et dédicacèrent peu. En 1996, une seconde version augmentée avec une couverture moins énigmatique a été publiée par Casterman.
(3) La France était précurseur à l’époque et les pays anglophones n’avais pas encore succombé à la mode manga, même si aux USA, VIZ comics essayait de vendre des mangas au format comics dés la fin des années 80. De plus, les animés Japonais diffusés aux USA étaient remontés et remodelés afin de coller à un public américain.
(4) " Tsunami ", revue d’actualité sur le manga et l’animation japonaise, était éditée dans les années 90 par la librairie Tonkam. Elle était dirigée, à l’époque, par Dominique Veret : l’actuel directeur d’Akata, le fournisseur des mangas chez Delcourt.
(5) Les Éditions Eyrolles est un éditeur de livres plutôt spécialisé en sciences, technique et informatiques. Elles ont bien publié quelques livres sur les méthodes de bande dessinée, mais aucun n’a la qualité de façonnage et de reliure de celui-ci.
(6) La couverture de l’ouvrage est tirée de la couverture du numéro 8 de la revue japonaise " Tetsuwan Atomu Club " (" club astro le petit robot ") de 1964. Astro n’est pas au volant d’une voiture comme on pourrait le croire sans le décor autour ; il est en compagnie d’Uran sa petite sœur, dans un vaisseau spatial.

Article paru à l’origine sur BDZoom.com

"Marine Hunter" T1 par Shiroh Ohtsuka

Dans un monde où la terre n’est plus qu’une grande étendue d’eau, certains humains ont développé des capacités extraordinaires afin de survivre. Première série du jeune dessinateur Shiroh Ohtsuka, " Marine Hunter " est le nouveau shônen de Pika en cinq volumes.


" Marine Hunter " © 2007 Shiroh Ohtsuka / Shogakukan inc. / Pika édition
Le premier volume de ce manga sert de prologue à l’histoire en introduisant les trois personnages principaux. En premier, le héros, Shark, d’apparence humaine, possède une force hors du commun du fait de sa mutation en Fish-half de requin(1). Dans ce monde de fiction, ce nouveau développement de l’espèce humaine peut être, soit acquis à la naissance, soit par la prise d’une pilule : l’océan drug. Cette drogue, mortelle dans la plupart des cas, a soi-disant été développée par la marine impériale, gouvernement suprême régissant ce monde barbare. Shark fait donc partie de ces êtres surpuissants : logique, c’est lui le héros. Il est assez beau gosse, musclé, possède une armure d’écaille ultra résistante et un aileron de requin dans le dos. Son passé, trouble, est entouré de mystère au point d’être poursuivi par les plus grands chasseurs de la marine impériale.

" Marine Hunter " © 2007 Shiroh Ohtsuka / Shogakukan inc. / Pika édition
Comme tout héros, Shark possède un point faible. Comme les requins, il s’excite à la vue et l’odeur du sang au point de devenir incontrôlable. C’est peut-être pour cette raison qu’il possède un hameçon planté dans sa lèvre inférieure. Cet anneau de servitude est relié par un filin invisible à une hampe située bien au-delà de l’horizon. Le but étant bien évidemment d’arriver à ce mystérieux point d’attache et de le détruire afin de se débarrasser de cet hameçon.
L’introduction de l’héroïne de l’histoire, Guppi, se fait également dès les premières pages du manga. Shark venait de la délivrer alors qu’elle était retenue en otage sur un bateau pirate. Peu futée, elle sera l’un des ressorts comiques de l’aventure. Reliée à Shark après avoir touché l’hameçon, elle en devient, de ce fait ,le maitre. Du coup, ce couple improbable est contraint de poursuivre l’aventure ensemble.

" Marine Hunter " © 2007 Shiroh Ohtsuka / Shogakukan inc. / Pika édition
Comme il fallait un trio afin de rendre plus amusante cette histoire, le second chapitre introduit le personnage de Shijimi. Très jeune fille perdue au milieu de l’océan sur une plate forme agricole, c’est un mélange étrange d’humaine et de bernard-l’ermite. Encore jeune, ce sera un protagoniste servant de faire-valoir : une espèce de mascotte. Elle sera sauvée par Shark et Guppi alors que la marine impériale, composée de grosses brutes, vient de piller et détruire la plate forme dont elle dépendait.

" Marine Hunter " © 2007 Shiroh Ohtsuka / Shogakukan inc. / Pika édition
Shark, prédateur sanguinaire, se retrouve embarqué dans sa quête de liberté, avec deux jeunes filles qui le dérangent plus qu’autre chose. Le sujet est commun, mais ça marche.
Loin d’être original, ce manga reprend les fondements classiques des shônens : un monde apocalyptique, un héros au passé trouble et à la force herculéenne ; des ennemis de plus en plus forts avec des niveaux à passer comme dans un jeu vidéo ; une jeune fille sexy, mais peu futée ; un faire-valoir apportant un ressort à la fois dramatique et comique ; et bien évidemment une quête à rallonge.
L’histoire, en elle même, est extrêmement agréable et repose sur le même principe qu’avait pu décrire Homère dans son " Odyssée ". Ici, point d’Ulysse ou de dieux, un simple hameçon suffit à remplacer toutes les malédictions ; mais la trame générale reste la même. Le graphisme est maitrisé, les personnages charismatiques et le fan service omniprésent. Rien de bien étonnant pour un manga ayant comme second rôle une jeune fille bien en forme, peu vêtue et traînant dans un environnement aquatique propice aux t-shirts mouillés. Il en est de même pour leur embarcation exiguë offrant peu d’intimité. Bien sûr, tout cela reste léger, c’est quand même un manga destiné à de très jeunes garçons.

" Marine Hunter " © 2007 Shiroh Ohtsuka / Shogakukan inc. / Pika édition
Il reste à espérer que les quatre volumes suivants ne traineront pas trop en longueur et ne seront pas répétitifs. Avec ce premier volume, " Marine Hunter " reste un excellent divertissement aux graphismes soignés : une bonne surprise venant de la part d’un jeune mangaka prometteur.
Gwenael Jacquet
" Marine Hunter " T1 par Shiroh Ohtsuka Éditions Pika (6,95 &euroWinking
(1) Fish-half : moitié homme, moitié poisson, mutant peuplant ce monde recouvert d’eau ; raccourci en FH tout au long du manga.

Article paru à l’origine sur BDZoom.com

" Sakuran " par Moyoco Anno

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Depuis l’édition de " Happy mania " par Pika en 2005, Moyoco Anno est devenue de plus en plus populaire auprès des jeunes femmes françaises. Déjà star au Japon, son manga " Sakuran " a même fait l’objet d’un film qui est sorti en France, chez Kaze, en 2008. Pika se devait de faire une édition à la hauteur de la popularité de cette mangaka : pari réussi.


Premiere page couleur du manga. On est immédiatement dans l’ambiance. © Moyoco Anno - Pika -Kodansha 2010
" Sakuran " raconte les aventures de Tomeki, jeune fille rebelle et impétueuse. Ayant perdu son père, noyé dans la rivière, elle se retrouve embrigadée dans une maison close, dés son plus jeune âge. Sans réel avenir, sa vie n’est que défi et combat. Néanmoins, son caractère d’acier la fait sortir du lot et elle va gravir les échelons jusqu’à être pressentie pour devenir l’Oiran (1) de la maison. Comme toutes adolescentes, l’amour se mettra sur son chemin et ses sentiments prendront le pas sur les désirs de sa clientèle. Difficile de conjuguer vie sentimentale et travail dans un environnement de luxure et de concurrence entre les courtisanes. Néanmoins, Tomeki, qui se fait maintenant appeler Kiyora suite a son changement de rang, est une femme forte et c’est ce qui fait le charme et l’intérêt de cette histoire.

Étalage des courtisanes, là aussi, le ton est donné. © Moyoco Anno - Pika -Kodansha 2010
Le film " Sakuran " étant déjà sorti depuis deux ans en France, il semblait logique que Pika finisse par éditer cet excellent manga. Les dessins, même s’ils restent nerveux et spontanés, sont d’une maitrise peu commune dans l’œuvre de Moyoco Anno. L’édition de ce livre est à l’image de ce travail soigné de bout en bout. Grand format (15 x 21 cm), jaquette imprimée sur papier rehaussé de couleurs métallisées, pages sur offset épais, tranches de couleur violette, le tout agrémenté par de nombreuses pages en couleurs, disséminées en tête de la plupart des chapitres. Ce genre de traitement est inhabituel dans le monde du manga et est plutôt réservé aux grands romans. Tout ceci nous donne un prix assez élevé (13,50&euroWinking ce qui est entièrement justifié. C’est aussi ça le plaisir d’avoir un beau livre.

© Moyoco Anno - Pika -Kodansha 2010

© Moyoco Anno - Pika -Kodansha 2010
Ce manga s’adresse en priorité aux jeunes adultes du fait du langage et des situations assez crues ; mais cela ne tombe jamais dans la vulgarité. Moyoco Anno sait comment parler de sexe, de prostitution et de détails intimes, sans voyeurisme ou pornographie de bas étage. Chaque scène a son utilité et sert entièrement le récit.

© Moyoco Anno - Pika -Kodansha 2010
Le monde des geishas alimente les fantasmes les plus divers en occident. " Sakuran " n’est ni un reportage sur ce monde clos, ni un manuel de savoir-vivre à la japonaise ou un " Kama Sutra ". L’univers des samouraïs est juste là pour mettre en scène ces courtisanes de manière extrêmement moderne. Néanmoins, un soin tout particulier est accordé aux graphismes des kimonos et autres étoffes. Moyoco Anno a dû particulièrement se documenter sur l’histoire du Japon et les coutumes en vigueur dans le milieu de la prostitution. Pour nous, occidentaux, ce récit est forcément dépaysant tout en étant extrêmement simple d’accès : les problèmes des jeunes filles étant les mêmes de par le monde et les époques, en fin de compte.

© Moyoco Anno - Pika -Kodansha 2010
Avec ses trois cent pages, ce manga, comme le reste de l’œuvre de Moyoco Anno, se dévore comme un roman. La mise en image est extrêmement agréable et tombe parfaitement. Tout s’enchaine très vite et de manière logique. Sûrement le meilleur manga de cette fin d’année 2010 !

© Moyoco Anno - Pika -Kodansha 2010
Gwenaël Jacquet
" Sakuran " par Moyoco Anno Édition Pika (13,50 &euroWinking


(1) Oiran (花魁) Courtisane de haut rang en vigueur depuis la période Edo (1600 - 1868).
L’attribution du titre d’Origan s’obtient selon des critères de beauté, de caractère, d’éducation et d’aptitudes artistiques développées.
Pour divertir leurs clientèles, l’Origan a pratiqué les arts de la danse, de la musique, de la poésie et de la calligraphie. Son instruction permet également d’entretenir des conversations sophistiquées.
Seuls les clients réguliers et importants peuvent prétendre à une Oiran. Celles-ci sont toujours parfaitement apprêtées. Leurs vêtements donnent lieu à un rituel extrêmement long en empilant les couches de tissus. Tous comme la coiffure maintenue par de nombreux peignes finement sculptés.
Le développement des Geishas a fini par éclipser ce statut. La dernière oiran enregistrée date de 1761.
Le mot Oiran est composé de deux idéogrammes :
(hana) signifiant " fleur " et (kai) signifiant " chef ".

Article paru à l’origine sur BDZoom.com