oct. 2010
LE COIN DU PATRIMOINE BD : Shôtarô Ishinomori
À l’occasion de la sortie, chez Kana, des aventures de " Sabu et Itchi " dans un premier volume sur les quatre qui sont annoncés, revenons sur le parcours de son auteur, Shôtarô Ishinomori. Contemporain d’Osamu Tezuka, il sera surnommé le roi du manga de par sa carrière prolifique et extrêmement variée. Son travail a d’ailleurs été l’objet d’une homologation au Guinness Book des records, en tant qu’auteur le plus prolifique en matière de bande dessinée avec 128 000 pages de mangas à son actif, soit plus de 500 livres (1).
Couverture du premier recueil des enquêtes de " Sabu et Ichi ". Remarquez l’épaisseur de la tranche, ce volume fait 1136 pages © 2010 Kana - Shôtarô Ishinomori
Ishinomori a commencé sa carrière très tôt, sur les bancs de son école où il dessinait déjà des mangas. En décembre 1954, sa première œuvre sortie en album, " Nikyu Tenshi ", fut d’ailleurs écrite pendant ses années de Lycée. Durant l’année 1950, avec quelques camarades de classe, il a réalisé, à compte d’auteur, deux numéros d’un fanzine appelé Bokuju Itteki (une goutte d’encre) : titre donné d’après un haïku de Shiki Masaoka, célèbre poète et journaliste japonais.
C’est en 1953 qu’il rencontre Osamu Tezuka, alors qu’il participe régulièrement aux concours organisés par les différentes revues de prépublication de l’époque ; ceci en vue de recruter de nouveaux talents. Tezuka, à la recherche d’aides, lui envoya un télégramme l’invitant à le rejoindre à Tokyo. Il fera donc ses premières armes en tant qu’assistant sur " Tetsuwan Atomu " (" Astro le petit robot "), retournant dans son collège pour passer ses examens de fin de trimestre.
" Tetsuwan Atom ", la réalisation la plus connue d’Osamu Tezuka sur laquelle a travaillé Ishinomori © Osamu Tezuka - Mushi production.
À cette occasion, il finira par rejoindre la maison d’artiste créée, en 1952, par le futur dieu du manga : Tokiwa-so. Situé dans le quartier de Toshima-ku à Tokyo, cet appartement modeste était le lieu de création de nombreux mangakas devenus célèbres par la suite, comme le duo Fujio Fujiko (créateurs de " Q-Taro le fantôme " et de " Doraemon "), l’auteur de shôjo Hideko Mizuno, le mangaka sportif Hiroo Terada (auteur, notamment, de " Sportsman Kintaro"), ou encore Fujio Akatsuka, reconnu pour être le roi du gag manga. Si, en 1955, Osamu Tezuka quitte rapidement la Tokiwa-so (après y avoir passé deux ans à créer ses plus grandes œuvres du début de sa carrière), Ishinomori y restera, quant à lui, jusqu’en 1961.
Photo de groupe lors des retrouvailles de 1982, prise à la Tokiwa-so avant sa destruction. De gauche à droite : Shôtarô Ishinomori, Osamu Tezuka, Tokuo Yokota, Motô Abiko, Shinichi Suzuki, et Hiroshi Fujimoto. © tezukaosamu.net
Surtout connu pour ses mangas de science-fiction, c’est en 1966 qu’il va publier la série qui le rendra célèbre : " Cyborg OO9 ". Cette série représente la base de la plupart des créations de science-fiction d’Ishonomori. Publié seulement en mars 2009 en français (chez Glénat), ce manga narre les aventures de neuf êtres humains robotisés, censés devenir les armes de guerre les plus puissantes que le monde n’a jamais connues. Or, le programme ne se passe pas comme prévu. La rébellion se met en marche avec, à sa tête, l’ultime cyborg numéroté 009, bien décidé à se défaire de l’organisation mafieuse Black Ghost. Leurs aventures se dérouleront durant trente-six volumes, jusqu’en 1981. Sérialisée pour la première partie, en 1964 et 1965, dans la revue Weekly Shônen King aux éditions Shônen Gahosha, la série connaîtra sept autres actes, a chaque fois chez un éditeur différent : en 1966 chez l’éditeur Kodansha dans la revue Weekly Shônen Magazine, de 1967 à 1969 chez Akita Shoten dans la revue Shônen Big Comic, en 1970 pour le quatrième arc publié dans le magazine COM édité par Mushi Production (la société de son ami Tezuka).
" Cyborg OO9 " version française © Ishinomori - Glénat
En 1975 et 1976, on assiste à un changement de ton avec la publication, dans une revue pour fille (Shôjo Comic chez Shogakukan). Le sixième arc sera dispatché dans trois revues, entre 1977 et 1979 : Monthly Shônen Jump de Shueisha, Play Comic de Akita Shoten et Monthly Manga Shônen de Asahi Sonorama. En 1979 et 1980, en même temps que débute une nouvelle série animée à la télévision, il publie le septième arc dans la revue Weekly Shônen Sunday de l’éditeur Shogakukan. Et, en 1985, le huitième et ultime arc est publié dans le mensuel Comic Nora chez Gakken.
" Cyborg 009 " à néanmoins été vu, dans sa version animée, par un très petit nombre de personnes dans les cinémas parisiens, pendant les années 60. Distribuées par Éclair Journal entre les actualités et le film, ces versions noir et blanc étaient réduites en épisodes de cinq minutes seulement : pas de quoi laisser un souvenir impérissable aux spectateurs, pour qui l’animation japonaise était totalement inconnue à cette époque.
L’autre œuvre de science-fiction qui rendit cet auteur incontournable est indéniablement " Kamen Rider " (le motocycliste masqué. Première série tokusatsu diffusée à la télévisons japonaise, le 3 avril 1971. Elle fut "designer" par Ishinomori, sur la base de son manga " Skull Man ". Ce dernier est particulièrement violent et immoral : le héros, orphelin suite au meurtre de ses parents par un mystérieux homme masqué, n’hésitera pas à sacrifier des innocents afin d’assouvir sa soif de vengeance. Plutôt destinée à un jeune public téléphile, la série " Kamen Rider " se devait d’être beaucoup plus morale.
" Kamen Rider ". Le manga ou le héros porte un masque avec des yeux de mouche © Ishinomori production.
Dans la même lignée, il invente également le " Sentai " : série avec un scénario succinct où un groupe de cinq héros, toujours habillé de couleur flashy (rouge, vert, bleu, jaune et rose), combattent des extraterrestres en caoutchouc à longueur d’épisodes. La première histoire crée par Ishinomori est " Gorangers ". Elle n’a jamais été diffusée en France (2) ; par contre, nous avons pu voir " Bioman " qui est la huitième série de ces " Super Sentai ". Mais Ishinomori n’y a jamais participé, s’étant retiré de ce genre après l’échec de sa seconde série : " Jako Dengekitai ".
" Goranger " : première série Sentai. © Ishinomori production.
Il se concentre alors sur la franchise " Kamen Rider " qui toujours très populaire auprès des jeunes Japonais. En France, la première série de ces samouraïs spatiaux que nous avons connu, et auquel Ishinomori a participé en tant que " designer " des personnages, est " San Ku Kai ". Gros succès de la télévision française de l’année 1978 ! Influencé par le succès de " Star Wars ", on y retrouvait le combat des rebelles contre un pouvoir hégémonique : Golem 13 et son armée de Stressos, le robot blanc intelligent : Sidero, le gentil monstre poilu s’exprimant par grognement : Siman, et des héros forcément beaux et virils (du moins pour l’époque) : Ryû le rouge et Ayato le blanc. Une adaptation en bande dessinée a été réalisée, en France, par Pierre Frisano : dont deux albums ont été publiés chez Dargaud, en 1979 et 1980. Au Japon, c’est l’assistant d’Ishinomori, Shugâ Satô qui s’est vu confier l’adaptation de la série en manga, alors que le maître en avait quand même écrit le scénario original.
De gauche à droite : " Sankukai " T1 et 2 Français par Pierre Frisano. " Uchu kara no message : Ginga taisen " de Shugâ Satô. © Dargaud - Frisano - Ishinomori production.
Si Shôtarô Ishinomori fut prolifique en matière de science-fiction, il réalisa également d’autres œuvres inattendues et contemporaines, comme l’un des tout premiers mangas sortit en mai 1989 en France, chez Albin Michel : " Les Secrets de l’économie Japonaise ". Datant de 1986, au Japon, ce manga est d’abord passé par les États-Unis avant d’être traduit de l’anglais vers le français. Présenté comme un roman, avec les pages tournées dans le sens occidental (rendant, du coup, tous les protagonistes gauchers), ce livre ne fut pas un succès. Il faut aussi préciser que le dessin, qui était agrandi, était réalisé avec un style ni proche du réaliste ni réellement caricatural, et que le sujet était assez rébarbatif et romancé a l’extrême : ce qui pouvait difficilement plaire à un public occidental.
Quant à l’œuvre qui nous intéresse aujourd’hui, " Sabu to Ichi Torimono Hikae " (" Les Arrestations de Sabu et Itchi "), elle a été créée par Ishinomori en 1966, dans la revue Weekly Shônen Sunday. Elle a ensuite continué pendant quatre ans dans la revue Big Comic, d’avril 1968 à avril 1972. Cette série reste l’une des plus connues d’Ishinomori car elle a remporté le prix du manga shogakukan de l’année, en 1968. Incursion dans le Japon médiéval, elle met en scène un jeune détective plein de ressources : Sabu. Ainsi qu’un masseur aveugle particulièrement doué dans le maniement du sabre : Itchi.
Le début du manga " Sabu et Ichi " empruntant à Tezuka ses traits caractéristiques. © Shôtarô Ishinomori - Kana
Le manga est assez violent pour l’époque ; et si les premiers épisodes sont clairement influencés par le trait rond d’Osamu Tezuka, les épisodes suivants deviennent de plus en plus réalistes, jusqu’à emprunter des codes graphiques propres au Gekiga. On y retrouve, ainsi, un certain réalisme à la Tako Saito (" Golgo 13 ") ou une énergie à la Sampei Shirato (" Kamui Den ") (3), ainsi que de nombreux décors inspirés d’estampes traditionnelles. Les scènes dénudées, mais jamais vulgaires parsèment même le récit.
Plus le manga avance, plus le trait devient réaliste. © Shôtarô Ishinomori - Kana
Une des nombreuses pages inspirées des estampes traditionnelles. © Shôtarô Ishinomori - Kana
Si c’est la première fois que l’intégrale de " Sabu et Ichi " sort en France, une précédente traduction existe, du moins pour certains épisodes. C’est en 1978, dans le second numéro du Cri qui tue, revue Japono-Suisse ayant seulement connu six numéros et qui fut l’une des premières à proposer des mangas au public francophone (4), qu’une première enquête de trente et une pages fut traduite : « La Chaise à porteurs ». Dans le numéro suivant, nous eûmes droit à trente-quatre nouvelles pages intitulées « Le Village de pitié ». Le numéro 4 offrait aussi trente-sept pages intitulées « Les Mémoires de Sabu et Itchi, longues pluies » : un récit plus adulte ou l’on voit réellement le travail de narration de l’auteur avec une première partie muette, seulement rythmée par quelques onomatopées : le reste du récit mélangeant érotisme léger et violence graphique, dans une mise en page extrêmement travaillée.
Le Cri qui tue : honorable revue de bande dessinée qui ne durera malheureusement que six numéros © Atos Takemoto - Kesselring
Le numéro 5 de la revue ne comportera pas d’aventure de nos deux détectives, mais, entre temps, Atos Takemoto (le créateur du magazine), avec le soutien des éditions suisses Kesselring, a sorti un album atypique de " Sabu et Itchi " intitulé « Le Vent du nord est comme le hennissement d’un cheval noir ». L’album n’aura absolument pas de succès et pour cause : couverture souple aux couleurs jaune et orange, typographie style machine à écrire, détourage raté et, surtout, peu représentatif du contenu. Cela ne rend pas hommage au travail d’Ishinomori qui est d’ailleurs encore nommé tout simplement Ishomori, comme c’était le cas à l’époque au Japon (5) ; le grand format de l’album, 23 x 32 cm, n’arrangeant pas le dessin prévu à l’origine pour être publié en format poche. Le numéro 6 de la revue, quant à lui, est entièrement consacré à " Sabu et Itchi " avec deux aventures : « Corbeau » et « Sang et neige », cette dernière concluant également ce premier recueil de " Sabu et Itchi " aux éditions Kana.
Deux traductions de " Sabu et Ichi ". La version Kana à gauche et la version " Cri qui tue " à droite. Remarquez dans la version de droite, l’inversion de la première planche d’exemple alors que la seconde est restée dans le sens de lecture japonais, or, Le Cri qui tue était publié pour une lecture à l’occidental. Atos Takemoto ne retournait les images que lorsque cela était nécessaire. @ Ishinomori - Kana - Atos Takemoto - Kesselring
Grâce à ces deux traductions différentes, on peut remarquer que le ton adopté chez Kana est plus soutenu, moins direct, et semble mieux correspondre aux dialogues originaux. Une chose est certaine, le lettrage, plus soigné, est bien plus agréable à lire même s’ils sont de plus petite taille.
À noter aussi que les aventures de " Sabu et Itchi " ont fait l’objet d’une série TV, en noir et blanc, diffusée en seconde partie de soirée au Japon. Elle fût d’ailleurs considérée comme la première adaptation de mangas en animé pour les adultes et la première à être proposée à une heure aussi tardive. Depuis, les exemples ne manquent pas et c’est même devenu un créneau très couru.
La série TV en noir et blanc : " Sabu to Ichi Torimonohikae " diffusée en 1968. Dirigée, entre autres, par Rin Tarô © Mushi Productions, Studio Zero, Tôei Animation.
Avec cet ouvrage publié chez Kana, on voit bien le parcours et l’évolution de Shôtarô Ishinomori, ainsi que ses influences... Et ce n’est qu’une toute petite partie de son travail : d’autres œuvres, très différentes, ayant également été publiées, en France, très récemment. Deux mangas historiques : un sur " Hokusai " et un autre sur " Miyamoto Musahi " (en 2005), toujours chez Kana.
" Hokusai " © Ishinomori - Kana
" Miyamoto Musashi " © Ishinomori - Kana
Décédé d’une crise cardiaque, le 28 janvier 1998, à l’âge de soixante ans, Shôtarô Ishinomori laisse derrière lui un travail considérable et bien peu connu en dehors de l’Asie. Au Japon, un musée lui est dédié depuis 2001, dans la ville de Ishinomaki, le " Ishinomori Mangattan Museum ".
Gwenaël JACQUET, avec un petit peu de Gilles RATIER.
" Sabu et Ichi " T1 par Shôtarô Ishinomori Éditions Kana (29&euro
Couverture française de " Sabu et Ichi " © 2010 Kana - Shôtarô Ishinomori
(1) Ce qui serait erroné puisque Osamu Tezuka est crédité de plus de 150 000 pages à son actif, réparti dans plus de 700 Volumes reliés. Mais comme il est aisé de manipuler les chiffres et que cela n’enlève rien au talent d’Ishinomori, autant le prendre comme une reconnaissance du travail accompli.
(2) Une série de jouets tirée de la série " Gorangers " a été distribuée en France par Mattel dans leur collection " Shogun Warriors " au début des années 80, alors que nous n’avons jamais eu cette série à la télévision ou en vidéocassette.
(3) Nous reviendrons vraisemblablement dessus puisque Kana a également prévu, en décembre 2010, de publier " Kamui ", ce chef-d’œuvre de Sampei Shirato, dans la même collection que le " Sabu et Ichi ".
(4) En effet, contrairement à ce que l’on a cru pendant des années, Le Cri qui tue ne fut pas la première revue à publier des mangas en France, comme nous l’avons démontré dans le " Coin du patrimoine " consacré à Hiroshi Hirata : http://www.bdzoom.com/spip.php ?article3468.
(5) Shôtarô Ishimori fit changer son nom en Ishinomori vers la fin de sa carrière. Celui-ci ayant toujours considéré la lecture de son pseudonyme comme étant constitué de la particule centrale " NO ", alors que ses éditeurs, par raccourcis et habitude, ne souhaitaient pas respecter cette orthographe. Ce nom lui vient de son lieu de naissance situé au nord du Japon, dans la préfecture de Miyagi. En 1984, il fit changer son état civil de Shôtarô Onodera en Shôtarô Ishinomori, obligeant, au passage, tous ses détracteurs à respecter son patronyme.
Couverture du premier recueil des enquêtes de " Sabu et Ichi ". Remarquez l’épaisseur de la tranche, ce volume fait 1136 pages © 2010 Kana - Shôtarô Ishinomori
Ishinomori a commencé sa carrière très tôt, sur les bancs de son école où il dessinait déjà des mangas. En décembre 1954, sa première œuvre sortie en album, " Nikyu Tenshi ", fut d’ailleurs écrite pendant ses années de Lycée. Durant l’année 1950, avec quelques camarades de classe, il a réalisé, à compte d’auteur, deux numéros d’un fanzine appelé Bokuju Itteki (une goutte d’encre) : titre donné d’après un haïku de Shiki Masaoka, célèbre poète et journaliste japonais.
C’est en 1953 qu’il rencontre Osamu Tezuka, alors qu’il participe régulièrement aux concours organisés par les différentes revues de prépublication de l’époque ; ceci en vue de recruter de nouveaux talents. Tezuka, à la recherche d’aides, lui envoya un télégramme l’invitant à le rejoindre à Tokyo. Il fera donc ses premières armes en tant qu’assistant sur " Tetsuwan Atomu " (" Astro le petit robot "), retournant dans son collège pour passer ses examens de fin de trimestre.
" Tetsuwan Atom ", la réalisation la plus connue d’Osamu Tezuka sur laquelle a travaillé Ishinomori © Osamu Tezuka - Mushi production.
À cette occasion, il finira par rejoindre la maison d’artiste créée, en 1952, par le futur dieu du manga : Tokiwa-so. Situé dans le quartier de Toshima-ku à Tokyo, cet appartement modeste était le lieu de création de nombreux mangakas devenus célèbres par la suite, comme le duo Fujio Fujiko (créateurs de " Q-Taro le fantôme " et de " Doraemon "), l’auteur de shôjo Hideko Mizuno, le mangaka sportif Hiroo Terada (auteur, notamment, de " Sportsman Kintaro"), ou encore Fujio Akatsuka, reconnu pour être le roi du gag manga. Si, en 1955, Osamu Tezuka quitte rapidement la Tokiwa-so (après y avoir passé deux ans à créer ses plus grandes œuvres du début de sa carrière), Ishinomori y restera, quant à lui, jusqu’en 1961.
Photo de groupe lors des retrouvailles de 1982, prise à la Tokiwa-so avant sa destruction. De gauche à droite : Shôtarô Ishinomori, Osamu Tezuka, Tokuo Yokota, Motô Abiko, Shinichi Suzuki, et Hiroshi Fujimoto. © tezukaosamu.net
Surtout connu pour ses mangas de science-fiction, c’est en 1966 qu’il va publier la série qui le rendra célèbre : " Cyborg OO9 ". Cette série représente la base de la plupart des créations de science-fiction d’Ishonomori. Publié seulement en mars 2009 en français (chez Glénat), ce manga narre les aventures de neuf êtres humains robotisés, censés devenir les armes de guerre les plus puissantes que le monde n’a jamais connues. Or, le programme ne se passe pas comme prévu. La rébellion se met en marche avec, à sa tête, l’ultime cyborg numéroté 009, bien décidé à se défaire de l’organisation mafieuse Black Ghost. Leurs aventures se dérouleront durant trente-six volumes, jusqu’en 1981. Sérialisée pour la première partie, en 1964 et 1965, dans la revue Weekly Shônen King aux éditions Shônen Gahosha, la série connaîtra sept autres actes, a chaque fois chez un éditeur différent : en 1966 chez l’éditeur Kodansha dans la revue Weekly Shônen Magazine, de 1967 à 1969 chez Akita Shoten dans la revue Shônen Big Comic, en 1970 pour le quatrième arc publié dans le magazine COM édité par Mushi Production (la société de son ami Tezuka).
" Cyborg OO9 " version française © Ishinomori - Glénat
En 1975 et 1976, on assiste à un changement de ton avec la publication, dans une revue pour fille (Shôjo Comic chez Shogakukan). Le sixième arc sera dispatché dans trois revues, entre 1977 et 1979 : Monthly Shônen Jump de Shueisha, Play Comic de Akita Shoten et Monthly Manga Shônen de Asahi Sonorama. En 1979 et 1980, en même temps que débute une nouvelle série animée à la télévision, il publie le septième arc dans la revue Weekly Shônen Sunday de l’éditeur Shogakukan. Et, en 1985, le huitième et ultime arc est publié dans le mensuel Comic Nora chez Gakken.
" Cyborg 009 " à néanmoins été vu, dans sa version animée, par un très petit nombre de personnes dans les cinémas parisiens, pendant les années 60. Distribuées par Éclair Journal entre les actualités et le film, ces versions noir et blanc étaient réduites en épisodes de cinq minutes seulement : pas de quoi laisser un souvenir impérissable aux spectateurs, pour qui l’animation japonaise était totalement inconnue à cette époque.
L’autre œuvre de science-fiction qui rendit cet auteur incontournable est indéniablement " Kamen Rider " (le motocycliste masqué. Première série tokusatsu diffusée à la télévisons japonaise, le 3 avril 1971. Elle fut "designer" par Ishinomori, sur la base de son manga " Skull Man ". Ce dernier est particulièrement violent et immoral : le héros, orphelin suite au meurtre de ses parents par un mystérieux homme masqué, n’hésitera pas à sacrifier des innocents afin d’assouvir sa soif de vengeance. Plutôt destinée à un jeune public téléphile, la série " Kamen Rider " se devait d’être beaucoup plus morale.
" Kamen Rider ". Le manga ou le héros porte un masque avec des yeux de mouche © Ishinomori production.
Dans la même lignée, il invente également le " Sentai " : série avec un scénario succinct où un groupe de cinq héros, toujours habillé de couleur flashy (rouge, vert, bleu, jaune et rose), combattent des extraterrestres en caoutchouc à longueur d’épisodes. La première histoire crée par Ishinomori est " Gorangers ". Elle n’a jamais été diffusée en France (2) ; par contre, nous avons pu voir " Bioman " qui est la huitième série de ces " Super Sentai ". Mais Ishinomori n’y a jamais participé, s’étant retiré de ce genre après l’échec de sa seconde série : " Jako Dengekitai ".
" Goranger " : première série Sentai. © Ishinomori production.
Il se concentre alors sur la franchise " Kamen Rider " qui toujours très populaire auprès des jeunes Japonais. En France, la première série de ces samouraïs spatiaux que nous avons connu, et auquel Ishinomori a participé en tant que " designer " des personnages, est " San Ku Kai ". Gros succès de la télévision française de l’année 1978 ! Influencé par le succès de " Star Wars ", on y retrouvait le combat des rebelles contre un pouvoir hégémonique : Golem 13 et son armée de Stressos, le robot blanc intelligent : Sidero, le gentil monstre poilu s’exprimant par grognement : Siman, et des héros forcément beaux et virils (du moins pour l’époque) : Ryû le rouge et Ayato le blanc. Une adaptation en bande dessinée a été réalisée, en France, par Pierre Frisano : dont deux albums ont été publiés chez Dargaud, en 1979 et 1980. Au Japon, c’est l’assistant d’Ishinomori, Shugâ Satô qui s’est vu confier l’adaptation de la série en manga, alors que le maître en avait quand même écrit le scénario original.
De gauche à droite : " Sankukai " T1 et 2 Français par Pierre Frisano. " Uchu kara no message : Ginga taisen " de Shugâ Satô. © Dargaud - Frisano - Ishinomori production.
Si Shôtarô Ishinomori fut prolifique en matière de science-fiction, il réalisa également d’autres œuvres inattendues et contemporaines, comme l’un des tout premiers mangas sortit en mai 1989 en France, chez Albin Michel : " Les Secrets de l’économie Japonaise ". Datant de 1986, au Japon, ce manga est d’abord passé par les États-Unis avant d’être traduit de l’anglais vers le français. Présenté comme un roman, avec les pages tournées dans le sens occidental (rendant, du coup, tous les protagonistes gauchers), ce livre ne fut pas un succès. Il faut aussi préciser que le dessin, qui était agrandi, était réalisé avec un style ni proche du réaliste ni réellement caricatural, et que le sujet était assez rébarbatif et romancé a l’extrême : ce qui pouvait difficilement plaire à un public occidental.
Quant à l’œuvre qui nous intéresse aujourd’hui, " Sabu to Ichi Torimono Hikae " (" Les Arrestations de Sabu et Itchi "), elle a été créée par Ishinomori en 1966, dans la revue Weekly Shônen Sunday. Elle a ensuite continué pendant quatre ans dans la revue Big Comic, d’avril 1968 à avril 1972. Cette série reste l’une des plus connues d’Ishinomori car elle a remporté le prix du manga shogakukan de l’année, en 1968. Incursion dans le Japon médiéval, elle met en scène un jeune détective plein de ressources : Sabu. Ainsi qu’un masseur aveugle particulièrement doué dans le maniement du sabre : Itchi.
Le début du manga " Sabu et Ichi " empruntant à Tezuka ses traits caractéristiques. © Shôtarô Ishinomori - Kana
Le manga est assez violent pour l’époque ; et si les premiers épisodes sont clairement influencés par le trait rond d’Osamu Tezuka, les épisodes suivants deviennent de plus en plus réalistes, jusqu’à emprunter des codes graphiques propres au Gekiga. On y retrouve, ainsi, un certain réalisme à la Tako Saito (" Golgo 13 ") ou une énergie à la Sampei Shirato (" Kamui Den ") (3), ainsi que de nombreux décors inspirés d’estampes traditionnelles. Les scènes dénudées, mais jamais vulgaires parsèment même le récit.
Plus le manga avance, plus le trait devient réaliste. © Shôtarô Ishinomori - Kana
Une des nombreuses pages inspirées des estampes traditionnelles. © Shôtarô Ishinomori - Kana
Si c’est la première fois que l’intégrale de " Sabu et Ichi " sort en France, une précédente traduction existe, du moins pour certains épisodes. C’est en 1978, dans le second numéro du Cri qui tue, revue Japono-Suisse ayant seulement connu six numéros et qui fut l’une des premières à proposer des mangas au public francophone (4), qu’une première enquête de trente et une pages fut traduite : « La Chaise à porteurs ». Dans le numéro suivant, nous eûmes droit à trente-quatre nouvelles pages intitulées « Le Village de pitié ». Le numéro 4 offrait aussi trente-sept pages intitulées « Les Mémoires de Sabu et Itchi, longues pluies » : un récit plus adulte ou l’on voit réellement le travail de narration de l’auteur avec une première partie muette, seulement rythmée par quelques onomatopées : le reste du récit mélangeant érotisme léger et violence graphique, dans une mise en page extrêmement travaillée.
Le Cri qui tue : honorable revue de bande dessinée qui ne durera malheureusement que six numéros © Atos Takemoto - Kesselring
Le numéro 5 de la revue ne comportera pas d’aventure de nos deux détectives, mais, entre temps, Atos Takemoto (le créateur du magazine), avec le soutien des éditions suisses Kesselring, a sorti un album atypique de " Sabu et Itchi " intitulé « Le Vent du nord est comme le hennissement d’un cheval noir ». L’album n’aura absolument pas de succès et pour cause : couverture souple aux couleurs jaune et orange, typographie style machine à écrire, détourage raté et, surtout, peu représentatif du contenu. Cela ne rend pas hommage au travail d’Ishinomori qui est d’ailleurs encore nommé tout simplement Ishomori, comme c’était le cas à l’époque au Japon (5) ; le grand format de l’album, 23 x 32 cm, n’arrangeant pas le dessin prévu à l’origine pour être publié en format poche. Le numéro 6 de la revue, quant à lui, est entièrement consacré à " Sabu et Itchi " avec deux aventures : « Corbeau » et « Sang et neige », cette dernière concluant également ce premier recueil de " Sabu et Itchi " aux éditions Kana.
Deux traductions de " Sabu et Ichi ". La version Kana à gauche et la version " Cri qui tue " à droite. Remarquez dans la version de droite, l’inversion de la première planche d’exemple alors que la seconde est restée dans le sens de lecture japonais, or, Le Cri qui tue était publié pour une lecture à l’occidental. Atos Takemoto ne retournait les images que lorsque cela était nécessaire. @ Ishinomori - Kana - Atos Takemoto - Kesselring
Grâce à ces deux traductions différentes, on peut remarquer que le ton adopté chez Kana est plus soutenu, moins direct, et semble mieux correspondre aux dialogues originaux. Une chose est certaine, le lettrage, plus soigné, est bien plus agréable à lire même s’ils sont de plus petite taille.
À noter aussi que les aventures de " Sabu et Itchi " ont fait l’objet d’une série TV, en noir et blanc, diffusée en seconde partie de soirée au Japon. Elle fût d’ailleurs considérée comme la première adaptation de mangas en animé pour les adultes et la première à être proposée à une heure aussi tardive. Depuis, les exemples ne manquent pas et c’est même devenu un créneau très couru.
La série TV en noir et blanc : " Sabu to Ichi Torimonohikae " diffusée en 1968. Dirigée, entre autres, par Rin Tarô © Mushi Productions, Studio Zero, Tôei Animation.
Avec cet ouvrage publié chez Kana, on voit bien le parcours et l’évolution de Shôtarô Ishinomori, ainsi que ses influences... Et ce n’est qu’une toute petite partie de son travail : d’autres œuvres, très différentes, ayant également été publiées, en France, très récemment. Deux mangas historiques : un sur " Hokusai " et un autre sur " Miyamoto Musahi " (en 2005), toujours chez Kana.
" Hokusai " © Ishinomori - Kana
" Miyamoto Musashi " © Ishinomori - Kana
Décédé d’une crise cardiaque, le 28 janvier 1998, à l’âge de soixante ans, Shôtarô Ishinomori laisse derrière lui un travail considérable et bien peu connu en dehors de l’Asie. Au Japon, un musée lui est dédié depuis 2001, dans la ville de Ishinomaki, le " Ishinomori Mangattan Museum ".
Gwenaël JACQUET, avec un petit peu de Gilles RATIER.
" Sabu et Ichi " T1 par Shôtarô Ishinomori Éditions Kana (29&euro
Couverture française de " Sabu et Ichi " © 2010 Kana - Shôtarô Ishinomori
(1) Ce qui serait erroné puisque Osamu Tezuka est crédité de plus de 150 000 pages à son actif, réparti dans plus de 700 Volumes reliés. Mais comme il est aisé de manipuler les chiffres et que cela n’enlève rien au talent d’Ishinomori, autant le prendre comme une reconnaissance du travail accompli.
(2) Une série de jouets tirée de la série " Gorangers " a été distribuée en France par Mattel dans leur collection " Shogun Warriors " au début des années 80, alors que nous n’avons jamais eu cette série à la télévision ou en vidéocassette.
(3) Nous reviendrons vraisemblablement dessus puisque Kana a également prévu, en décembre 2010, de publier " Kamui ", ce chef-d’œuvre de Sampei Shirato, dans la même collection que le " Sabu et Ichi ".
(4) En effet, contrairement à ce que l’on a cru pendant des années, Le Cri qui tue ne fut pas la première revue à publier des mangas en France, comme nous l’avons démontré dans le " Coin du patrimoine " consacré à Hiroshi Hirata : http://www.bdzoom.com/spip.php ?article3468.
(5) Shôtarô Ishimori fit changer son nom en Ishinomori vers la fin de sa carrière. Celui-ci ayant toujours considéré la lecture de son pseudonyme comme étant constitué de la particule centrale " NO ", alors que ses éditeurs, par raccourcis et habitude, ne souhaitaient pas respecter cette orthographe. Ce nom lui vient de son lieu de naissance situé au nord du Japon, dans la préfecture de Miyagi. En 1984, il fit changer son état civil de Shôtarô Onodera en Shôtarô Ishinomori, obligeant, au passage, tous ses détracteurs à respecter son patronyme.
"Monster Soul" T1 par Hiro Mashima
Après avoir terminé la série " Rave " qui le propulsa au panthéon des mangakas les plus rentables du Weekly Shônen Magazine, et avant de commencer son deuxième plus gros succès " Fairy Tale ", Hiro Mashima a réalisé " Monster Soul " : une courte série en seulement deux volumes.
Ce manga raconte les conflits qu’il peut y avoir entre des monstres et des humains : le tout sur un ton humoristique et décalé.
À Elvenland, monstres et humains cohabitent en paix, mais ce ne fut pas toujours le cas. Un grand affrontement a vu la victoire des humains, ce qui a conduit à rendre certains monstres hors-la-loi. L’histoire débute d’ailleurs par la quête de deux chasseurs de primes humains ayant capturé un Joba : bestiole à la tête en forme de gousse d’ail. Les Black Airs, le groupe de monstre le plus redouté de cet endroit s’interpose et s’en suivra une histoire rocambolesque qui présentera, au fur et à mesure de son déroulement, les différents protagonistes.
Image © Hiro Mashima - Pika
Aki, le héros, humain d’apparence, mais pouvant se transformer en un loup-garou des plus féroces. Tooran, golem à la forme d’une jeune fille un peu cruche et simple d’esprit (excellent ressort comique). Mamie, momie sexy qui est la plus âgée du groupe : elle prend soin d’eux et n’hésite pas à donner de sa personne pour les protéger. L’ultra violent, mais peu futé, James, Frankenstein : son visage a la particularité de ne pas tenir en place (du comique à répétition simple, mais qui fonctionne). Et toute une galerie d’autres monstres plus improbables les uns que les autres.
La particularité de " Monster Soul " est de se placer du point de vue de ces créatures, d’habitudes cantonnées au rôle de méchants, cruels et effrayants. Les humains y sont quasiment absents.
Ce premier tome est divisé en trois chapitres complètement distincts. Ils peuvent se lire indépendamment les uns des autres : ce qui est de plus en plus rare dans les mangas qui cartonnent de nos jours, mais qui était encore très courant au début des années 90. Le chapitre 1, " Voilà les Black Air " raconte la capture ratée du groupe des chasseurs de prime. Le second chapitre, " Révolte des montres ", introduit le personnage de Beacon : un fantôme se servant de ses pouvoirs de contrôle sur les êtres afin de lancer une guerre personnelle contre les humains. Le troisième chapitre, " Changer l’intention en force ! " dévoile la jeunesse de nos héros avec l’apparition de leur ennemi de toujours : Garouelf, une chimère à deux têtes.
Ces trois chapitres ont été pré-publié dans le magazine pour très jeunes enfants Comic Bom Bom, de janvier à mars 2006. Le second volume à paraitre a été écrit bien plus tard, entre juin et septembre 2007, et prend place en enfer. La série à peu de chance de reprendre du fait de l’arrêt du titre fin 2007, après avoir clôturé le dernier chapitre : son auteur concentrant actuellement son studio sur la réalisation du manga " Fairy tail ".
Image © Hiro Mashima - Pika
Hiro Mashima nous a toujours habitué à beaucoup d’humour dans ses œuvres. Celle-ci ne déroge pas à la règle et reste dans la tradition des grands mangas d’aventure humoristiques comme " DragonBall " ou " One Piece ". On sent d’ailleurs l’influence d’Akira Toriyama, à la fois dans la construction narrative et dans le dessin : surtout sur les personnages secondaires qui font un peu penser à l’ambiance d’un " Dragonquest ". En tant qu’amateur de jeu vidéo, il ne serait pas surprenant que ce hit des années 80 ait marqué l’auteur.
Extrêmement divertissante, " Monster Soul " reste une série sans prétention : néanmoins, le tailnt de son auteur fait que cela fonctionne bien. Le lecteur passe un agréable moment en compagnie de ces personnages burlesques et improbables. Le dessin est identique à ses deux autres séries phares, dans la droite ligne des mangas mythiques des magazines Jump ou Sunday. C’est un pur produit pour les jeunes enfants d’une dizaine d’années, mais qui est accessible aux amateurs du genre, quel que soit leur âge ; pourvu qu’ils aient envie de retrouver leur âme d’enfant et qu’ils soient à même d’apprécier cet humour typique des Japonais.
Bien parti pour être un succès, ce manga est d’ailleurs classé en dixième position des meilleures ventes de mangas en septembre/octobre 2010 comme nous le signalait Gilles Ratier dans son dernier " TOP 15 MANGAS ".
Gwenaël JACQUET
" Monster Soul " T1 par Hiro Mashima Éditions Pika (6,95&euro
Image © Hiro Mashima - Kodansha
Ce manga raconte les conflits qu’il peut y avoir entre des monstres et des humains : le tout sur un ton humoristique et décalé.
À Elvenland, monstres et humains cohabitent en paix, mais ce ne fut pas toujours le cas. Un grand affrontement a vu la victoire des humains, ce qui a conduit à rendre certains monstres hors-la-loi. L’histoire débute d’ailleurs par la quête de deux chasseurs de primes humains ayant capturé un Joba : bestiole à la tête en forme de gousse d’ail. Les Black Airs, le groupe de monstre le plus redouté de cet endroit s’interpose et s’en suivra une histoire rocambolesque qui présentera, au fur et à mesure de son déroulement, les différents protagonistes.
Image © Hiro Mashima - Pika
Aki, le héros, humain d’apparence, mais pouvant se transformer en un loup-garou des plus féroces. Tooran, golem à la forme d’une jeune fille un peu cruche et simple d’esprit (excellent ressort comique). Mamie, momie sexy qui est la plus âgée du groupe : elle prend soin d’eux et n’hésite pas à donner de sa personne pour les protéger. L’ultra violent, mais peu futé, James, Frankenstein : son visage a la particularité de ne pas tenir en place (du comique à répétition simple, mais qui fonctionne). Et toute une galerie d’autres monstres plus improbables les uns que les autres.
La particularité de " Monster Soul " est de se placer du point de vue de ces créatures, d’habitudes cantonnées au rôle de méchants, cruels et effrayants. Les humains y sont quasiment absents.
Ce premier tome est divisé en trois chapitres complètement distincts. Ils peuvent se lire indépendamment les uns des autres : ce qui est de plus en plus rare dans les mangas qui cartonnent de nos jours, mais qui était encore très courant au début des années 90. Le chapitre 1, " Voilà les Black Air " raconte la capture ratée du groupe des chasseurs de prime. Le second chapitre, " Révolte des montres ", introduit le personnage de Beacon : un fantôme se servant de ses pouvoirs de contrôle sur les êtres afin de lancer une guerre personnelle contre les humains. Le troisième chapitre, " Changer l’intention en force ! " dévoile la jeunesse de nos héros avec l’apparition de leur ennemi de toujours : Garouelf, une chimère à deux têtes.
Ces trois chapitres ont été pré-publié dans le magazine pour très jeunes enfants Comic Bom Bom, de janvier à mars 2006. Le second volume à paraitre a été écrit bien plus tard, entre juin et septembre 2007, et prend place en enfer. La série à peu de chance de reprendre du fait de l’arrêt du titre fin 2007, après avoir clôturé le dernier chapitre : son auteur concentrant actuellement son studio sur la réalisation du manga " Fairy tail ".
Image © Hiro Mashima - Pika
Hiro Mashima nous a toujours habitué à beaucoup d’humour dans ses œuvres. Celle-ci ne déroge pas à la règle et reste dans la tradition des grands mangas d’aventure humoristiques comme " DragonBall " ou " One Piece ". On sent d’ailleurs l’influence d’Akira Toriyama, à la fois dans la construction narrative et dans le dessin : surtout sur les personnages secondaires qui font un peu penser à l’ambiance d’un " Dragonquest ". En tant qu’amateur de jeu vidéo, il ne serait pas surprenant que ce hit des années 80 ait marqué l’auteur.
Extrêmement divertissante, " Monster Soul " reste une série sans prétention : néanmoins, le tailnt de son auteur fait que cela fonctionne bien. Le lecteur passe un agréable moment en compagnie de ces personnages burlesques et improbables. Le dessin est identique à ses deux autres séries phares, dans la droite ligne des mangas mythiques des magazines Jump ou Sunday. C’est un pur produit pour les jeunes enfants d’une dizaine d’années, mais qui est accessible aux amateurs du genre, quel que soit leur âge ; pourvu qu’ils aient envie de retrouver leur âme d’enfant et qu’ils soient à même d’apprécier cet humour typique des Japonais.
Bien parti pour être un succès, ce manga est d’ailleurs classé en dixième position des meilleures ventes de mangas en septembre/octobre 2010 comme nous le signalait Gilles Ratier dans son dernier " TOP 15 MANGAS ".
Gwenaël JACQUET
" Monster Soul " T1 par Hiro Mashima Éditions Pika (6,95&euro
Image © Hiro Mashima - Kodansha
"Cat Street" T1 & 2 par Yoko Kamio
Yoko Kamio revient avec une nouvelle série en huit tomes, après avoir finalement clôturé son chef-d’œuvre, " Hana yori Dango ", au bout de 37 volumes. Cette fois-ci, ce n’est pas Glénat qui édite cette série, mais Kana.
" Cat Street " commence comme un conte de fées. Keito Aoyama est une très jeune actrice. À cinq ans, elle passe haut la main le casting de sa première publicité... Enchaînant rôle sur rôle. Et comme elle ne pense qu’à son travail, ses études vont en pâtir et ses amis s’éloigner extrêmement rapidement.
image © Yoko Kamio - Kana
À neuf ans, elle croit se lier d’amitié avec Nako, une jeune actrice, engagée en binôme avec elle, pour jouer dans une pièce de théâtre. Yoko va lui apprendre les ficelles du métier, la faire progresser afin de lui redonner confiance. Nako finira par se révéler être un adversaire redoutable prêt à tout pour lui voler la vedette. Avoir cru en cette amitié est le coup de grâce pour Yoko : cela se traduira par une extinction de voix lors de la première représentation.
À seize ans, alors qu’elle ne fait plus rien de ses journées, l’ex-star rencontre, par hasard, un inconnu lui proposant d’intégrer une école spéciale destinée aux jeunes sortis du système scolaire habituel, " El Liston ". Réticente au départ, elle s’habituera à cette nouvelle vie en rencontrant toutes sortes d’élèves aux passions étranges : Tayô Harasawa, ex-joueur de football ayant perdu son rêve d’aller en série A, Rei Saeki, un garçon plus que mystérieux, Kôichi Mine, un nerd restant enfermé toute la journée à programmer sur son ordinateur, Momiji Noda, lolita passionnée par le design de la mode... Et quelques autres protagonistes, au fur et à mesure que l’histoire se développe.
Comme c’est souvent le cas dans les shôjo mangas, on pourrait croire que l’aventure qui va nous être contée sera empreinte d’amitié, de bonheur et d’acharnement dans le travail. On se rend vite compte, passé le premier chapitre qu’il n’en est rien. Avec cette histoire, l’auteure va traiter du syndrome d’hikikomori (1), une maladie consistant à se renfermer sur soi et à se couper du reste du monde, jusqu’à ne plus sortir de sa chambre. Ce sujet a été largement traité dans un autre manga sorti en 2008, chez Soleil ," Bienvenue dans la NHK " (2). Bien connu au Japon, ce syndrome est quand même assez peu traité en manga et donc le retrouver dans un shôjo est plutôt surprenant.
image © Yoko Kamio - Kana
Yoko Kamio, en plus d’être une très bonne dessinatrice, excelle également dans l’art de la narration. Elle nous le prouve encore en mélangeant des moments empreints de légèreté à d’autres, assez graves, ou l’on se rend compte que la vie n’est pas toujours rose. Une scène du second volume permet de bien résumer ces tensions lorsque Taiyo, un camarade d’enfance, ramène à Keito une bouteille qu’elle avait laissée en classe, une dizaine d’années plus tôt, et qui devait servir pour un projet scolaire. Elle se rend compte que ce garçon est beaucoup plus qu’un ami pour elle. Tout bascule lorsqu’il lui annonce clairement qu’il était amoureux d’elle ; qu’il a fait de gros efforts pour la ramener en classe ou juste pour la voir un instant à sa fenêtre ! Le temps à passer, Keito ne sais pas comment se comporter devant cette annonce et se renferme sur elle même, devient blessant ; et lorsque Taiyo s’en va, elle réalise que son monde s’écroule autour d’elle.
Pas besoin de longs discours pour montrer toutes ces subtilités narratives quand on sait dessiner comme Yoko Kamio. Cette auteure nous fait ressentir les choses très simplement, grâce à l’attitude de ses personnages. Tout passe par leur expression du visage. Le graphisme est un mélange de dessins réalistes et d’autres, plus schématiques ; passant par toutes les facettes de la surprise, l’empathie, le repli, l’exubérance, la colère, le dégoût et bien évidemment l’incompréhension.
Pas besoin de décors poussés pour se situer : une tenture symbolise le théâtre, les balançoires le parc, une barrière le terrain de foot. C’est clair, net et précis, sans en faire trop. Tout comme la mise en page et le jeu de trame qui serve impeccablement le récit.
image © Yoko Kamio - Shueisha
Sous des couvertures très différentes de l’édition originale japonaise, et même plus pastel que celle d’ " Hana yori Dango ", l’édition française de ce récit comblera les amateurs de shôjo. Transportant le lecteur dans le monde de désarrois dans lesquels est plongée l’héroïne, ces deux premiers volumes se lisent d’une traite ; et l’on en sort forcément bouleversé. Et peut être même un peu plus serein quant à sa propre condition et à ses passions somme toute bien anodines.
Gwenaël Jacquet
" Cat Street " T1 & 2 par Yoko Kamio Édition Kana
image © Yoko Kamio - Kana
(1) Wikipedia en fait une très bonne description : Hikikomori (引き篭り ?) est un mot japonais désignant une pathologie psychosociale et familiale touchant principalement des adolescents ou de jeunes adultes qui vivent cloîtrés chez leurs parents, le plus souvent dans leur chambre pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, en refusant toute communication, même avec leur famille, et ne sortant que pour satisfaire aux impératifs des besoins corporels... http://fr.wikipedia.org/wiki/Hikikomori.
(2) " Bienvenue dans la NHK " [" NHK ni yōkoso ! " (NHKにようこそ !)] , manga en huit volumes par Kenji Oiwa, sur une nouvelle de Tatsuhiko Takimoto ; paru en France aux éditions Soleil.
" Cat Street " commence comme un conte de fées. Keito Aoyama est une très jeune actrice. À cinq ans, elle passe haut la main le casting de sa première publicité... Enchaînant rôle sur rôle. Et comme elle ne pense qu’à son travail, ses études vont en pâtir et ses amis s’éloigner extrêmement rapidement.
image © Yoko Kamio - Kana
À neuf ans, elle croit se lier d’amitié avec Nako, une jeune actrice, engagée en binôme avec elle, pour jouer dans une pièce de théâtre. Yoko va lui apprendre les ficelles du métier, la faire progresser afin de lui redonner confiance. Nako finira par se révéler être un adversaire redoutable prêt à tout pour lui voler la vedette. Avoir cru en cette amitié est le coup de grâce pour Yoko : cela se traduira par une extinction de voix lors de la première représentation.
À seize ans, alors qu’elle ne fait plus rien de ses journées, l’ex-star rencontre, par hasard, un inconnu lui proposant d’intégrer une école spéciale destinée aux jeunes sortis du système scolaire habituel, " El Liston ". Réticente au départ, elle s’habituera à cette nouvelle vie en rencontrant toutes sortes d’élèves aux passions étranges : Tayô Harasawa, ex-joueur de football ayant perdu son rêve d’aller en série A, Rei Saeki, un garçon plus que mystérieux, Kôichi Mine, un nerd restant enfermé toute la journée à programmer sur son ordinateur, Momiji Noda, lolita passionnée par le design de la mode... Et quelques autres protagonistes, au fur et à mesure que l’histoire se développe.
Comme c’est souvent le cas dans les shôjo mangas, on pourrait croire que l’aventure qui va nous être contée sera empreinte d’amitié, de bonheur et d’acharnement dans le travail. On se rend vite compte, passé le premier chapitre qu’il n’en est rien. Avec cette histoire, l’auteure va traiter du syndrome d’hikikomori (1), une maladie consistant à se renfermer sur soi et à se couper du reste du monde, jusqu’à ne plus sortir de sa chambre. Ce sujet a été largement traité dans un autre manga sorti en 2008, chez Soleil ," Bienvenue dans la NHK " (2). Bien connu au Japon, ce syndrome est quand même assez peu traité en manga et donc le retrouver dans un shôjo est plutôt surprenant.
image © Yoko Kamio - Kana
Yoko Kamio, en plus d’être une très bonne dessinatrice, excelle également dans l’art de la narration. Elle nous le prouve encore en mélangeant des moments empreints de légèreté à d’autres, assez graves, ou l’on se rend compte que la vie n’est pas toujours rose. Une scène du second volume permet de bien résumer ces tensions lorsque Taiyo, un camarade d’enfance, ramène à Keito une bouteille qu’elle avait laissée en classe, une dizaine d’années plus tôt, et qui devait servir pour un projet scolaire. Elle se rend compte que ce garçon est beaucoup plus qu’un ami pour elle. Tout bascule lorsqu’il lui annonce clairement qu’il était amoureux d’elle ; qu’il a fait de gros efforts pour la ramener en classe ou juste pour la voir un instant à sa fenêtre ! Le temps à passer, Keito ne sais pas comment se comporter devant cette annonce et se renferme sur elle même, devient blessant ; et lorsque Taiyo s’en va, elle réalise que son monde s’écroule autour d’elle.
Pas besoin de longs discours pour montrer toutes ces subtilités narratives quand on sait dessiner comme Yoko Kamio. Cette auteure nous fait ressentir les choses très simplement, grâce à l’attitude de ses personnages. Tout passe par leur expression du visage. Le graphisme est un mélange de dessins réalistes et d’autres, plus schématiques ; passant par toutes les facettes de la surprise, l’empathie, le repli, l’exubérance, la colère, le dégoût et bien évidemment l’incompréhension.
Pas besoin de décors poussés pour se situer : une tenture symbolise le théâtre, les balançoires le parc, une barrière le terrain de foot. C’est clair, net et précis, sans en faire trop. Tout comme la mise en page et le jeu de trame qui serve impeccablement le récit.
image © Yoko Kamio - Shueisha
Sous des couvertures très différentes de l’édition originale japonaise, et même plus pastel que celle d’ " Hana yori Dango ", l’édition française de ce récit comblera les amateurs de shôjo. Transportant le lecteur dans le monde de désarrois dans lesquels est plongée l’héroïne, ces deux premiers volumes se lisent d’une traite ; et l’on en sort forcément bouleversé. Et peut être même un peu plus serein quant à sa propre condition et à ses passions somme toute bien anodines.
Gwenaël Jacquet
" Cat Street " T1 & 2 par Yoko Kamio Édition Kana
image © Yoko Kamio - Kana
(1) Wikipedia en fait une très bonne description : Hikikomori (引き篭り ?) est un mot japonais désignant une pathologie psychosociale et familiale touchant principalement des adolescents ou de jeunes adultes qui vivent cloîtrés chez leurs parents, le plus souvent dans leur chambre pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, en refusant toute communication, même avec leur famille, et ne sortant que pour satisfaire aux impératifs des besoins corporels... http://fr.wikipedia.org/wiki/Hikikomori.
(2) " Bienvenue dans la NHK " [" NHK ni yōkoso ! " (NHKにようこそ !)] , manga en huit volumes par Kenji Oiwa, sur une nouvelle de Tatsuhiko Takimoto ; paru en France aux éditions Soleil.
"Over Bleed" T1 par 28Round
Les éditions Ki-oon se lancent dans le manga de combat avec une œuvre aussi courte que dérangeante. Une histoire de « Bully » (1) à la japonaise.
Kei fait partie de ce que l’on appelle, au Japon, les ijimé : ces élèves martyrisés par leurs ainés ou leurs camarades de classe. Souvent ce sont de simples écoliers un peu différents et renfermés sur eux même. Les brimades peuvent n’être que verbales, dans les cas les plus légers, mais peuvent aller jusqu’aux atteintes physiques violentes (et répétées), dans les cas les plus graves. C’est ce qu’a voulu monter le dessinateur et scénariste 28Round.
image © 28Round - 2008 Square Enix Co, Ltd. - 2010 Ki-oon
Avec un nom pareil, il est évident qu’il s’agit d’un pseudonyme. C’est d’ailleurs son unique série à ce jour. Vu la force avec laquelle est décrite la maltraitance, il semble logique que l’auteur ait voulu se protéger. Et il a bien eu raison : " Over Bleed " a fait polémique au Japon et s’est vite arrêté, au troisième volume.
L’histoire commence fort, le protagoniste principal, Kei, passe du stade de brimé à celui bagarreur. Pas la petite bagarre dans la cour de récréation, mais la « baston » violente et préparée. Les poings recouverts d’un foulard pour se protéger et des dialogues évocateurs « ... si tu savais à quel point un combat peut être jouissif !! ». À côté, le manga " Coq de combat "(2) passe pour un shôjo. Les brimades, les coups, la mort, le suicide se succèdent dans cette histoire qui laisse un gout d’amertume prononcé.
image © 28Round - 2008 Square Enix Co, Ltd. - 2010 Ki-oon
La vie est triste, on sent la lourdeur qui pèse sur les épaules de chaque personnage. Leur besoin de se sentir le plus fort. Le voyeurisme grâce aux films des combats envoyés sur internet. Et surtout la recherche d’un ami, une personne de confiance qui ne serait plus là. En effet, l’histoire tourne principalement autour du décès présumé d’Akira, un jeune ayant tenté d’entrainer Kei dans son suicide. Ce dernier s’en ressortira, le corps d’Akira ne sera lui jamais retrouvé. Pourtant Kei semble le reconnaitre sur des images de Free Fight diffusé sur un site de partage de vidéo alors qu’il se présente sous le pseudonyme de Bunen.
image © 28Round - 2008 Square Enix Co, Ltd. - 2010 Ki-oon
" Over Bleed " n’est pas un manga tout public. Mais quel est son public d’ailleurs ? Les amateurs de baston ? Les fans d’histoires tristes et misérables où la condition humaine est revenue à un stade animal ? Les jeunes au mal de vivre permanent ? Ou peut-être tout cela en même temps ?
image © 28Round - 2008 Square Enix Co, Ltd. - 2010 Ki-oon
En tout cas, le trait de 28Round est vif, nerveux, mais maitrisé. Les scènes d’action sont parfaitement mises en valeur. Les protagonistes identifiables immédiatement, même lorsque leurs visages sont tuméfiés par les coups. Les décors sont soignés et la mise en page claire et dynamique. Ce manga se dévore à une rapidité impressionnante, les cases s’enchainent les unes après les autres. Le texte est simple, démonstratif et va à l’essentiel.
image © 28Round - 2008 Square Enix Co, Ltd. - 2010 Ki-oon
Si vous n’avez pas les tripes bien accrocher, n’envisagez même pas d’ouvrir ce livre, chaque page est un choc visuel. Les autres attendront avec impatience les deux prochains volumes.
Gwenaël JACQUET
" Over Bleed " T1 par 28Round Éditions Ki-oon (7,50)
Couverture française © 28Round - 2010 Ki-oon
(1) " Bully " : Phénomène de maltraitance ayant été traité par Larry Clark dans son excellent film du même nom mettant en scène Brad Renfro et Rachel Miner qui interprètent respectivement Bobby Kent et Marty Puccio. Deux amis d’enfance perdus dans une petite ville américaine. Le premier se sert de son ami comme défouloir, il le brime dès qu’il peut et cela finit bien évidemment tragiquement.
(2) " Coq de combat " : manga de Iz Hashimoto et Akio Tanaka paru aux éditions Delcourt/Akata. 19 volumes en français sur les 25 parus au Japon. La série est d’ailleurs arrêtée à cause d’un différend entre le dessinateur et le scénariste. Le premier a intenté un procès à Iz Hashimoto qu’il accuse de n’avoir fourni qu’une ébauche insuffisante pour être crédité en tant qu’unique scénariste.
L'article ZOOM MANGA : "Over Bleed" T1 est paru chez BD Zoom
Kei fait partie de ce que l’on appelle, au Japon, les ijimé : ces élèves martyrisés par leurs ainés ou leurs camarades de classe. Souvent ce sont de simples écoliers un peu différents et renfermés sur eux même. Les brimades peuvent n’être que verbales, dans les cas les plus légers, mais peuvent aller jusqu’aux atteintes physiques violentes (et répétées), dans les cas les plus graves. C’est ce qu’a voulu monter le dessinateur et scénariste 28Round.
image © 28Round - 2008 Square Enix Co, Ltd. - 2010 Ki-oon
Avec un nom pareil, il est évident qu’il s’agit d’un pseudonyme. C’est d’ailleurs son unique série à ce jour. Vu la force avec laquelle est décrite la maltraitance, il semble logique que l’auteur ait voulu se protéger. Et il a bien eu raison : " Over Bleed " a fait polémique au Japon et s’est vite arrêté, au troisième volume.
L’histoire commence fort, le protagoniste principal, Kei, passe du stade de brimé à celui bagarreur. Pas la petite bagarre dans la cour de récréation, mais la « baston » violente et préparée. Les poings recouverts d’un foulard pour se protéger et des dialogues évocateurs « ... si tu savais à quel point un combat peut être jouissif !! ». À côté, le manga " Coq de combat "(2) passe pour un shôjo. Les brimades, les coups, la mort, le suicide se succèdent dans cette histoire qui laisse un gout d’amertume prononcé.
image © 28Round - 2008 Square Enix Co, Ltd. - 2010 Ki-oon
La vie est triste, on sent la lourdeur qui pèse sur les épaules de chaque personnage. Leur besoin de se sentir le plus fort. Le voyeurisme grâce aux films des combats envoyés sur internet. Et surtout la recherche d’un ami, une personne de confiance qui ne serait plus là. En effet, l’histoire tourne principalement autour du décès présumé d’Akira, un jeune ayant tenté d’entrainer Kei dans son suicide. Ce dernier s’en ressortira, le corps d’Akira ne sera lui jamais retrouvé. Pourtant Kei semble le reconnaitre sur des images de Free Fight diffusé sur un site de partage de vidéo alors qu’il se présente sous le pseudonyme de Bunen.
image © 28Round - 2008 Square Enix Co, Ltd. - 2010 Ki-oon
" Over Bleed " n’est pas un manga tout public. Mais quel est son public d’ailleurs ? Les amateurs de baston ? Les fans d’histoires tristes et misérables où la condition humaine est revenue à un stade animal ? Les jeunes au mal de vivre permanent ? Ou peut-être tout cela en même temps ?
image © 28Round - 2008 Square Enix Co, Ltd. - 2010 Ki-oon
En tout cas, le trait de 28Round est vif, nerveux, mais maitrisé. Les scènes d’action sont parfaitement mises en valeur. Les protagonistes identifiables immédiatement, même lorsque leurs visages sont tuméfiés par les coups. Les décors sont soignés et la mise en page claire et dynamique. Ce manga se dévore à une rapidité impressionnante, les cases s’enchainent les unes après les autres. Le texte est simple, démonstratif et va à l’essentiel.
image © 28Round - 2008 Square Enix Co, Ltd. - 2010 Ki-oon
Si vous n’avez pas les tripes bien accrocher, n’envisagez même pas d’ouvrir ce livre, chaque page est un choc visuel. Les autres attendront avec impatience les deux prochains volumes.
Gwenaël JACQUET
" Over Bleed " T1 par 28Round Éditions Ki-oon (7,50)
Couverture française © 28Round - 2010 Ki-oon
(1) " Bully " : Phénomène de maltraitance ayant été traité par Larry Clark dans son excellent film du même nom mettant en scène Brad Renfro et Rachel Miner qui interprètent respectivement Bobby Kent et Marty Puccio. Deux amis d’enfance perdus dans une petite ville américaine. Le premier se sert de son ami comme défouloir, il le brime dès qu’il peut et cela finit bien évidemment tragiquement.
(2) " Coq de combat " : manga de Iz Hashimoto et Akio Tanaka paru aux éditions Delcourt/Akata. 19 volumes en français sur les 25 parus au Japon. La série est d’ailleurs arrêtée à cause d’un différend entre le dessinateur et le scénariste. Le premier a intenté un procès à Iz Hashimoto qu’il accuse de n’avoir fourni qu’une ébauche insuffisante pour être crédité en tant qu’unique scénariste.
L'article ZOOM MANGA : "Over Bleed" T1 est paru chez BD Zoom
RENCONTRE AVEC BERNAR YSLAIRE À LIMOGES
Dans le cadre des rencontres " Passages de pages ". La Bibliothèque Francophone Multimédia de Limoges (BFM) accueille le dessinateur Bernar Yslaire.
Le débat sera animé par Gilles Ratier et Étienne Rouziés. Ils reviendront sur le parcours atypique de cet auteur de bande dessinée, notamment sur sa saga des " Sambre " et sur son " Ciel au-dessus du Louvre ".
L’entrée est libre et gratuite.
La rencontre se tiendra en salle de conférence, au sous-sol de la BFM à 19H, le jeudi 14 octobre 2010.
Le site de la BFM nous en fait une présentation sommaire :
" Des juvéniles " Bidouille et Violette " du magazine Spirou à une récente commande pour le Musée du Louvre : " Le Ciel au-dessus du Louvre " (en collaboration avec le scénariste de cinéma Jean-Claude Carrière) où il dessine la Révolution pour les éditions Futuropolis (en 2009), en passant par la saga romantique des " Sambre ", Yslaire s’est longtemps cherché, découvert, réinventé même, pour devenir pluriel. Il nous offre une œuvre en devenir, foisonnante, passionnante, ambitieuse... en un mot, unique ! "
Faites passer le mot, c’est un auteur qui se déplace rarement et c’est donc une occasion unique de le rencontrer de manière conviviale et accessible !
Le débat sera animé par Gilles Ratier et Étienne Rouziés. Ils reviendront sur le parcours atypique de cet auteur de bande dessinée, notamment sur sa saga des " Sambre " et sur son " Ciel au-dessus du Louvre ".
L’entrée est libre et gratuite.
La rencontre se tiendra en salle de conférence, au sous-sol de la BFM à 19H, le jeudi 14 octobre 2010.
Le site de la BFM nous en fait une présentation sommaire :
" Des juvéniles " Bidouille et Violette " du magazine Spirou à une récente commande pour le Musée du Louvre : " Le Ciel au-dessus du Louvre " (en collaboration avec le scénariste de cinéma Jean-Claude Carrière) où il dessine la Révolution pour les éditions Futuropolis (en 2009), en passant par la saga romantique des " Sambre ", Yslaire s’est longtemps cherché, découvert, réinventé même, pour devenir pluriel. Il nous offre une œuvre en devenir, foisonnante, passionnante, ambitieuse... en un mot, unique ! "
Faites passer le mot, c’est un auteur qui se déplace rarement et c’est donc une occasion unique de le rencontrer de manière conviviale et accessible !
"Deadman Wonderland" T 1& 2
" Deadman Wonderland " n’est pas à mes yeux le manga qui remporterait la palme de l’originalité ou de la crédibilité. Néanmoins, il risque de faire un carton auprès d’une certaine catégorie de public, les jeunes garçons.
Le récit débute dans un Tokyo ravagé, il y a une dizaine d’années, par un terrible tremblement de terre qui détruisit une grosse partie du Japon. Le contexte est posé et utilise la plus grande crainte des Japonais comme leitmotiv.
Un massacre sanglant © Jinsei Kataoka - Kazuma Kondou - Kana
L’histoire, en elle même, suit la vie d’Igarashi Ganta, un écolier dont tous ses camarades de classe, sans exception, se sont vus massacrer par un homme étrange, flottant dans les airs dans une armure rouge. Cette dernière information étant visuellement peu aisée à partager dans un manga en noir et blanc. Ganta aura la vie sauve et comme seule séquelle un cristal incrusté par le mystérieux tueur dans sa poitrine. Cela disparaitra aussi vite que c’est apparu, mais aura un impact sur le reste de l’histoire, bien évidemment.
Cet homme en armure rouge est la cause de tous les soucis d’Igarashi Ganta © Jinsei Kataoka - Kazuma Kondou - Kana
Pages couleur d’introduction du premier volume © Jinsei Kataoka - Kazuma Kondou - Kana
Étant étrangement le seul survivant, Igarashi sera reconnu coupable du meurtre de ses camarades dans un procès plus qu’expéditif et invraisemblable. Ce passage, concentré sur les vingt-sept premières pages du récit, fait une description graphique extrêmement violente et explicite du massacre ; on sent bien que les auteurs sont là pour en mettre plein la vue sans s’encombrer d’ellipses narratives, ceci afin d’entamer au plus vite la suite. Tout se passe rapidement, avec peu de dialogues et des cases immenses afin de bien mettre le spectateur devant le fait accompli.
L’histoire commence donc réellement lorsque Igarashi sera condamné à mort et envoyé dans une prison qui donne son titre au manga, Deadman Wonderland : celle-ci tenant plus du parc d’attractions que de l’univers carcéral représenté habituellement. Les personnages sont très caricaturaux, à l’image de la gardienne qui a vraisemblablement eu des soucis avec le lavage de son uniforme tellement celui-ci est moulant ; on y retrouve le fantasme de la dominatrice à gros sein en uniforme militaire, cher aux Japonais. Le reste de l’histoire est du même tonneau : exagérée et stéréotypée.
Pages couleur d’introduction au second volume © Jinsei Kataoka - Kazuma Kondou - Kana
Dans cette prison d’un nouveau genre, il faudra que le condamné gagne son espérance de vie au travers de joutes sanglantes rappelant le temps de gladiateurs. La récompense pour le gagnant : un bonbon censé contenir un antidote au poison qui est injecté, petit à petit, dans leur corps, à l’aide d’un collier électronique. Si le condamné n’avale pas ce bonbon tous les trois jours, il décédera dans d’atroces souffrances. Le scénario exploite à nouveau les fantasmes des jeunes garçons d’une dizaine d’années : la vie dans un parc d’attractions, les combats violents ou la mort n’est qu’un jeu, des bonbons comme seule nourriture.
D’autres mangas ont déjà mis en avant le thème du jeu futuriste barbare ou le vaincu risque forcément sa vie ; il y a eu le Rugball chez " Cobra " de Buichi Terazawa dans les années 80 puis le Motor-ball dans " Gunnm " de Yukito Kishiro dans les années 90, maintenant il y a le Carnival Corps dans " Deadman Wonderland ".
Présenté comme cela, ce manga semble des plus inintéressants. Pourtant, le dessin est extrêmement agréable et la mise en forme dynamique des pages rend cette histoire invraisemblable facilement lisible. Il faut dire que, comme dans tous les fantasmes de petit garçon, le héros est aidé par Shiro (1), une jeune fille mystérieuse, laquelle sait se battre, le protège en permanence et a des formes plutôt attractives malgré son jeune âge. On en revient toujours au type basique un peu macho qui a besoin de se sentir protéger par une figure maternelle. Ce n’est assurément pas ce titre qui va rehausser la côte des mangas auprès d’un public déjà suspicieux...
Quelques planches montrant bien la violence graphique de ce manga © Jinsei Kataoka - Kazuma Kondou - Kana
Jinsei Kataoka et Kazuma Kondô n’en sont pas à leur coup d’essai. En France, nous leur devons déjà le superbe " Eureka Seven " également publié chez Kana. Leur trait tout en rondeur sait mettre en valeur les personnages grâce à des pleins et des déliés du plus bel effet. La plume est assurément maitrisée. Les décors sont nombreux et soignés, chaque détail est placé avec minutie. Quant à la mise en page, elle est entraînante, alternant des planches constituées de grandes cases explicites et des pages mixant quelques petites cases narratives, voire des pleines pages d’action bien descriptives : bref, le spectateur a toujours de quoi s’en mettre plein la vue.
Shiro, sous une apparence de petite-fille modèle se cache une terrible psychopathe © Jinsei Kataoka - Kazuma Kondou - Kana
Le thème de " Deadman Wonderland " est un classique du manga. En tout temps, il y a eu des histoires violentes et peu crédibles mettant en scène le dépassement de soi et la combativité de groupe. " Les chevaliers du zodiaque " en est un bon exemple. Ce qu’il y a en plus dans " Deadman Wonderland ", c’est ce côté malsain et un certain voyeurisme que l’on peut justifier par la difficulté qu’ont les Japonais à vivre dans la société moderne : et ceci est peu courant dans une histoire destinée à de si jeunes enfants.
Ayant perdu le combat, ce prisonnier doit donner une partie de son corps. C’est une loterie qui sélectionnera l’œil droit © Jinsei Kataoka - Kazuma Kondou - Kana
Déjà prévu dans une adaptation en anime pour le printemps 2011, ce manga devrait assurément trouvé son public en France.
" C’est violent et c’est beau " annonçait Glénat au lancement du manga " Akira " au début des années 90. L’accroche de " Deadman Wonderland " aurait pu être identique, mais ce manga se situe dans une autre catégorie ou justement c’est simplement violent tout en étant graphiquement beau. Le récit n’a pas la subtilité et la profondeur qu’avait su mettre en place Katsuhiro Otomo pour son chef d’œuvre. Les enfants, toujours en quête de sensation facile et vite consommée, seront néanmoins conquis.
Gwenaël JACQUET
" Deadman Wonderland " T1 & 2 par Jinsei Kataoka et Kazuma Kondou Éditions Kana - 6,50€
(1) Shiro signifie Blanc en japonais. Cela explique que ce personnage soit entièrement de couleur claire, que ce soit les cheveux comme les vêtements.
Le récit débute dans un Tokyo ravagé, il y a une dizaine d’années, par un terrible tremblement de terre qui détruisit une grosse partie du Japon. Le contexte est posé et utilise la plus grande crainte des Japonais comme leitmotiv.
Un massacre sanglant © Jinsei Kataoka - Kazuma Kondou - Kana
L’histoire, en elle même, suit la vie d’Igarashi Ganta, un écolier dont tous ses camarades de classe, sans exception, se sont vus massacrer par un homme étrange, flottant dans les airs dans une armure rouge. Cette dernière information étant visuellement peu aisée à partager dans un manga en noir et blanc. Ganta aura la vie sauve et comme seule séquelle un cristal incrusté par le mystérieux tueur dans sa poitrine. Cela disparaitra aussi vite que c’est apparu, mais aura un impact sur le reste de l’histoire, bien évidemment.
Cet homme en armure rouge est la cause de tous les soucis d’Igarashi Ganta © Jinsei Kataoka - Kazuma Kondou - Kana
Pages couleur d’introduction du premier volume © Jinsei Kataoka - Kazuma Kondou - Kana
Étant étrangement le seul survivant, Igarashi sera reconnu coupable du meurtre de ses camarades dans un procès plus qu’expéditif et invraisemblable. Ce passage, concentré sur les vingt-sept premières pages du récit, fait une description graphique extrêmement violente et explicite du massacre ; on sent bien que les auteurs sont là pour en mettre plein la vue sans s’encombrer d’ellipses narratives, ceci afin d’entamer au plus vite la suite. Tout se passe rapidement, avec peu de dialogues et des cases immenses afin de bien mettre le spectateur devant le fait accompli.
L’histoire commence donc réellement lorsque Igarashi sera condamné à mort et envoyé dans une prison qui donne son titre au manga, Deadman Wonderland : celle-ci tenant plus du parc d’attractions que de l’univers carcéral représenté habituellement. Les personnages sont très caricaturaux, à l’image de la gardienne qui a vraisemblablement eu des soucis avec le lavage de son uniforme tellement celui-ci est moulant ; on y retrouve le fantasme de la dominatrice à gros sein en uniforme militaire, cher aux Japonais. Le reste de l’histoire est du même tonneau : exagérée et stéréotypée.
Pages couleur d’introduction au second volume © Jinsei Kataoka - Kazuma Kondou - Kana
Dans cette prison d’un nouveau genre, il faudra que le condamné gagne son espérance de vie au travers de joutes sanglantes rappelant le temps de gladiateurs. La récompense pour le gagnant : un bonbon censé contenir un antidote au poison qui est injecté, petit à petit, dans leur corps, à l’aide d’un collier électronique. Si le condamné n’avale pas ce bonbon tous les trois jours, il décédera dans d’atroces souffrances. Le scénario exploite à nouveau les fantasmes des jeunes garçons d’une dizaine d’années : la vie dans un parc d’attractions, les combats violents ou la mort n’est qu’un jeu, des bonbons comme seule nourriture.
D’autres mangas ont déjà mis en avant le thème du jeu futuriste barbare ou le vaincu risque forcément sa vie ; il y a eu le Rugball chez " Cobra " de Buichi Terazawa dans les années 80 puis le Motor-ball dans " Gunnm " de Yukito Kishiro dans les années 90, maintenant il y a le Carnival Corps dans " Deadman Wonderland ".
Présenté comme cela, ce manga semble des plus inintéressants. Pourtant, le dessin est extrêmement agréable et la mise en forme dynamique des pages rend cette histoire invraisemblable facilement lisible. Il faut dire que, comme dans tous les fantasmes de petit garçon, le héros est aidé par Shiro (1), une jeune fille mystérieuse, laquelle sait se battre, le protège en permanence et a des formes plutôt attractives malgré son jeune âge. On en revient toujours au type basique un peu macho qui a besoin de se sentir protéger par une figure maternelle. Ce n’est assurément pas ce titre qui va rehausser la côte des mangas auprès d’un public déjà suspicieux...
Quelques planches montrant bien la violence graphique de ce manga © Jinsei Kataoka - Kazuma Kondou - Kana
Jinsei Kataoka et Kazuma Kondô n’en sont pas à leur coup d’essai. En France, nous leur devons déjà le superbe " Eureka Seven " également publié chez Kana. Leur trait tout en rondeur sait mettre en valeur les personnages grâce à des pleins et des déliés du plus bel effet. La plume est assurément maitrisée. Les décors sont nombreux et soignés, chaque détail est placé avec minutie. Quant à la mise en page, elle est entraînante, alternant des planches constituées de grandes cases explicites et des pages mixant quelques petites cases narratives, voire des pleines pages d’action bien descriptives : bref, le spectateur a toujours de quoi s’en mettre plein la vue.
Shiro, sous une apparence de petite-fille modèle se cache une terrible psychopathe © Jinsei Kataoka - Kazuma Kondou - Kana
Le thème de " Deadman Wonderland " est un classique du manga. En tout temps, il y a eu des histoires violentes et peu crédibles mettant en scène le dépassement de soi et la combativité de groupe. " Les chevaliers du zodiaque " en est un bon exemple. Ce qu’il y a en plus dans " Deadman Wonderland ", c’est ce côté malsain et un certain voyeurisme que l’on peut justifier par la difficulté qu’ont les Japonais à vivre dans la société moderne : et ceci est peu courant dans une histoire destinée à de si jeunes enfants.
Ayant perdu le combat, ce prisonnier doit donner une partie de son corps. C’est une loterie qui sélectionnera l’œil droit © Jinsei Kataoka - Kazuma Kondou - Kana
Déjà prévu dans une adaptation en anime pour le printemps 2011, ce manga devrait assurément trouvé son public en France.
" C’est violent et c’est beau " annonçait Glénat au lancement du manga " Akira " au début des années 90. L’accroche de " Deadman Wonderland " aurait pu être identique, mais ce manga se situe dans une autre catégorie ou justement c’est simplement violent tout en étant graphiquement beau. Le récit n’a pas la subtilité et la profondeur qu’avait su mettre en place Katsuhiro Otomo pour son chef d’œuvre. Les enfants, toujours en quête de sensation facile et vite consommée, seront néanmoins conquis.
Gwenaël JACQUET
" Deadman Wonderland " T1 & 2 par Jinsei Kataoka et Kazuma Kondou Éditions Kana - 6,50€
(1) Shiro signifie Blanc en japonais. Cela explique que ce personnage soit entièrement de couleur claire, que ce soit les cheveux comme les vêtements.
"Bloody Monday" T1 par Ryumon et Kouji
Un virus mortel, de belles femmes, un groupe d’ado futé et prêt à tout pour sauver le monde... Ce nouveau manga édité par Pika reprend les ficelles habituelles du thriller de manière très conventionnelle, mais tout de fois assez sympathique.
L’histoire de " Bloody Monday " est simple et convenue : un espion russe revend, à une jeune femme plantureuse, une souche virulente pouvant causer une pandémie capable de décimer une ville entière en moins de trois jours. Elle-même vaccinée contre ce poisson, elle administrera subrepticement une dose du virus à l’espion. Celui-ci entrainera dans sa mort (il va sans dire, dans d’horribles souffrances) tous les passagers du mythique Transsibérien qu’il avait choisi d’emprunter pour rejoindre Moscou. Cela fait froid dans le dos !
image © Ryou Ryumon & Megumi Kouji - Pika
Une fois le contexte posé, les héros de l’histoire peuvent être introduits. Il s’agit d’un groupe de jeune impliqué dans la rédaction du journal de leur école. Notamment Fujimaru Takagi qui s’avérera rapidement être le pilier central de cette aventure, ayant lui même une identité secrète. En effet, ses amis découvrirons rapidement qu’il est en fait Falcon, le hacker de génie sorti de sa retraite pour mettre hors d’état de nuire le responsable pédagogique de l’établissement : monsieur Hikage ; car ce dernier abuse de son pouvoir pour brimer les élèves et, ainsi, obtenir des faveurs inappropriées de la part des jeunes filles.
Falcon révélera au grand jour les images pédophiles contenues dans son ordinateur et réussira à le faire expulser.
image © Ryou Ryumon & Megumi Kouji - Pika
Une fois cette nouvelle information mise en place, l’histoire peut réellement débuter. Espionnage, trahison et autres méfaits s’enchaînent. Il faut dire que Ryonosuke Takagi, le père de Fujimaru, est un agent des services secrets japonais. Il est rapidement impliqué dans l’affaire Bloody Monday. Il va y entrainer son fils par la même occasion : lequel utilise régulièrement ses talents informatiques afin de décrypter des informations sensibles pour le compte de son père. Notamment celles contenues sur une carte mémoire trouvée dans le cadavre d’un ex-agent du KGB. Des images insoutenables des méfaits de ce nouveau virus acquis par les terroristes. Entretemps, accusé du meurtre d’un collègue (le lecteur, lui, sais pertinemment que c’est faux), le père de Fujimaru devra se réfugier dans la clandestinité alors qu’une professeur(e) remplaçante pourrait bien être impliquée aux cotés des terroristes pour surveiller le hacker.
Comme on le voit, ce polar ne joue pas dans la subtilité, on est loin d’un " Monster " (1) ou d’un " Conan " (2). Pourtant, le scénariste, Ryou Ryumon (3) n’est pas un débutant en la matière. Il est en effet plus connu sous le nom de Seimaru Amagi, auteur de certains épisodes de la série de manga bien connu au japon, " Kindaichi shonen no jikenbo " (4). Il est également connu sous le nom de Tadashi Agi pour la série à gros succès en France (et au japon) " Les Goutes de dieu " (Glénat), de Yuya Aoki pour sa série " GetBackers " (Pika) ou encore sous le pseudonyme de Yuma Ando pour " Psychometrer Eiji " (Kana).
Diplômé de science politique et d’économie de la prestigieuse université de Waseda, il est capable en fonction de ses différents noms de plume de s’adapter aux divers styles de mangas que réclament les jeunes lecteurs. L’idée de cette histoire lui vient d’un fait divers : un hacker s’étant introduit dans le système informatique du Pentagone met la police sur les dents. Lors de son arrestation, il s’avéra n’être qu’un lycéen. Née avec l’informatique, il est vrai que les jeunes du vingt et unième siècles adoptent les ordinateurs avec une facilitée déconcertante pour leurs ainés.
image © Ryou Ryumon & Megumi Kouji - Pika
Kouji Megumi quant à elle est une jeune dessinatrice. Son premier manga relié est une adaptation en 2004 de " Sohryuden " (5), une épopée basée sur des romans chinois et remis aux gouts du jour à la fin des années 80 par le talentueux Yoshitaka Amano. Elle illustre ici un univers complètement différent, plus urbain et contemporain. Ses personnages, même s’ils sont assez stéréotypés, sont clairement identifiables du premier coup d’œil. La mise en page est claire et rend la lecture agréable. On sent bien sûr une certaine jeunesse dans le trait, mais le tout est quand même très réussi. Les décors sont soignés, ainsi que les poses (qui sont souvent dynamiques ou dramatiques) et la mise en images (qui alterne grande case démonstrative et pages bien remplies de plans serrés intimistes). Les yeux du lecteur naviguent facilement au fil de l’histoire parfaitement mis en valeur, en permettant une lecture rapide et agréable.
image © Ryou Ryumon & Megumi Kouji - Pika
Ce manga, même s’il est loin d’être la révélation de l’année en matière de polar, reste un très bon divertissement bien mené ; avec une construction linéaire laissant peu de place au suspense, mais enchainant avec brio les méandres de cette aventure destinée, avant tout, aux adolescents qui sauront se reconnaître dans les différents héros de l’histoire. Onze volumes sont prévus pour cette première série, un second opus étant en cours de parution au Japon.
image © Ryou Ryumon & Megumi Kouji - Pika
Gwenaël JACQUET
" Bloody Monday " T1 par Ryou Ryumon & Megumi Kouji Éditions Pika (6,95&euro
(1) Mange en 18 volumes de Naoki Urasawa (Kana)
(2) Manga en 69 volumes de Gooshoo Aoyama parue en France chez Kana
(3) de son vrai nom : Shin Kibayashi.
(4) " Les Enquêtes de Kindaichi " paru en septembre 2004 chez Tonkam. La série est incomplète en français puisqu’elle ne compte que 22 volumes sur les 27 sorties en Japonais. Ce manga a également été adapté en animation dans une série de 148 épisodes et 2 longs métrages ainsi qu’en drama live pour 3 saisons de 10 épisodes.
(5) Un précédent manga était sorti illustré par les Clamps en 1994.
L'article ZOOM MANGA : "Bloody Monday" T1 est paru initialement chez BD ZOOM
L’histoire de " Bloody Monday " est simple et convenue : un espion russe revend, à une jeune femme plantureuse, une souche virulente pouvant causer une pandémie capable de décimer une ville entière en moins de trois jours. Elle-même vaccinée contre ce poisson, elle administrera subrepticement une dose du virus à l’espion. Celui-ci entrainera dans sa mort (il va sans dire, dans d’horribles souffrances) tous les passagers du mythique Transsibérien qu’il avait choisi d’emprunter pour rejoindre Moscou. Cela fait froid dans le dos !
image © Ryou Ryumon & Megumi Kouji - Pika
Une fois le contexte posé, les héros de l’histoire peuvent être introduits. Il s’agit d’un groupe de jeune impliqué dans la rédaction du journal de leur école. Notamment Fujimaru Takagi qui s’avérera rapidement être le pilier central de cette aventure, ayant lui même une identité secrète. En effet, ses amis découvrirons rapidement qu’il est en fait Falcon, le hacker de génie sorti de sa retraite pour mettre hors d’état de nuire le responsable pédagogique de l’établissement : monsieur Hikage ; car ce dernier abuse de son pouvoir pour brimer les élèves et, ainsi, obtenir des faveurs inappropriées de la part des jeunes filles.
Falcon révélera au grand jour les images pédophiles contenues dans son ordinateur et réussira à le faire expulser.
image © Ryou Ryumon & Megumi Kouji - Pika
Une fois cette nouvelle information mise en place, l’histoire peut réellement débuter. Espionnage, trahison et autres méfaits s’enchaînent. Il faut dire que Ryonosuke Takagi, le père de Fujimaru, est un agent des services secrets japonais. Il est rapidement impliqué dans l’affaire Bloody Monday. Il va y entrainer son fils par la même occasion : lequel utilise régulièrement ses talents informatiques afin de décrypter des informations sensibles pour le compte de son père. Notamment celles contenues sur une carte mémoire trouvée dans le cadavre d’un ex-agent du KGB. Des images insoutenables des méfaits de ce nouveau virus acquis par les terroristes. Entretemps, accusé du meurtre d’un collègue (le lecteur, lui, sais pertinemment que c’est faux), le père de Fujimaru devra se réfugier dans la clandestinité alors qu’une professeur(e) remplaçante pourrait bien être impliquée aux cotés des terroristes pour surveiller le hacker.
Comme on le voit, ce polar ne joue pas dans la subtilité, on est loin d’un " Monster " (1) ou d’un " Conan " (2). Pourtant, le scénariste, Ryou Ryumon (3) n’est pas un débutant en la matière. Il est en effet plus connu sous le nom de Seimaru Amagi, auteur de certains épisodes de la série de manga bien connu au japon, " Kindaichi shonen no jikenbo " (4). Il est également connu sous le nom de Tadashi Agi pour la série à gros succès en France (et au japon) " Les Goutes de dieu " (Glénat), de Yuya Aoki pour sa série " GetBackers " (Pika) ou encore sous le pseudonyme de Yuma Ando pour " Psychometrer Eiji " (Kana).
Diplômé de science politique et d’économie de la prestigieuse université de Waseda, il est capable en fonction de ses différents noms de plume de s’adapter aux divers styles de mangas que réclament les jeunes lecteurs. L’idée de cette histoire lui vient d’un fait divers : un hacker s’étant introduit dans le système informatique du Pentagone met la police sur les dents. Lors de son arrestation, il s’avéra n’être qu’un lycéen. Née avec l’informatique, il est vrai que les jeunes du vingt et unième siècles adoptent les ordinateurs avec une facilitée déconcertante pour leurs ainés.
image © Ryou Ryumon & Megumi Kouji - Pika
Kouji Megumi quant à elle est une jeune dessinatrice. Son premier manga relié est une adaptation en 2004 de " Sohryuden " (5), une épopée basée sur des romans chinois et remis aux gouts du jour à la fin des années 80 par le talentueux Yoshitaka Amano. Elle illustre ici un univers complètement différent, plus urbain et contemporain. Ses personnages, même s’ils sont assez stéréotypés, sont clairement identifiables du premier coup d’œil. La mise en page est claire et rend la lecture agréable. On sent bien sûr une certaine jeunesse dans le trait, mais le tout est quand même très réussi. Les décors sont soignés, ainsi que les poses (qui sont souvent dynamiques ou dramatiques) et la mise en images (qui alterne grande case démonstrative et pages bien remplies de plans serrés intimistes). Les yeux du lecteur naviguent facilement au fil de l’histoire parfaitement mis en valeur, en permettant une lecture rapide et agréable.
image © Ryou Ryumon & Megumi Kouji - Pika
Ce manga, même s’il est loin d’être la révélation de l’année en matière de polar, reste un très bon divertissement bien mené ; avec une construction linéaire laissant peu de place au suspense, mais enchainant avec brio les méandres de cette aventure destinée, avant tout, aux adolescents qui sauront se reconnaître dans les différents héros de l’histoire. Onze volumes sont prévus pour cette première série, un second opus étant en cours de parution au Japon.
image © Ryou Ryumon & Megumi Kouji - Pika
Gwenaël JACQUET
" Bloody Monday " T1 par Ryou Ryumon & Megumi Kouji Éditions Pika (6,95&euro
(1) Mange en 18 volumes de Naoki Urasawa (Kana)
(2) Manga en 69 volumes de Gooshoo Aoyama parue en France chez Kana
(3) de son vrai nom : Shin Kibayashi.
(4) " Les Enquêtes de Kindaichi " paru en septembre 2004 chez Tonkam. La série est incomplète en français puisqu’elle ne compte que 22 volumes sur les 27 sorties en Japonais. Ce manga a également été adapté en animation dans une série de 148 épisodes et 2 longs métrages ainsi qu’en drama live pour 3 saisons de 10 épisodes.
(5) Un précédent manga était sorti illustré par les Clamps en 1994.
L'article ZOOM MANGA : "Bloody Monday" T1 est paru initialement chez BD ZOOM