"Tokyo Fin d’un monde" T1 par Noujou
Le manga ultra-réaliste est un genre assez peu répandu en France. Pourtant, outre-Atlantique, des auteurs comme Ryoichi Ikegami ont réussi à populariser ce type de récits : plus adulte, scenaristiquement plus évolué, anatomiquement bien proportionné et aux protagonistes typés japonais (si l’histoire se passe au Japon). Dans l’hexagone, les éditeurs s’étant risqués a édité du Ikegami ont vite déchanté. Pourtant, le gekiga arrive à percer petit à petit et Akata en est le fer de lance, avec de nombreux titres sur des sujets plus variés les uns que les autres.
" Tokyo fin d’un monde " est de ces manga résolument positionné sur le créneau adulte sans tomber dans le sexe ou la violence à outrance. L’histoire est réfléchie, digne d’un roman noir et les personnages sont ultras réalistes. Pourtant, le scénario est totalement irréel. Notre monde serait surpeuplé à cause d’humains venant du futur. C’est grâce à une équation découverte à notre époque qu’il serait possible de contrôler certaines facultés de l’esprit et ainsi à arriver à voler dans les airs, hypnotiser les gens ou faire de la télékinésie. Bref, être une personne aux capacités extra-sensorielle plus développées, ce que les Japonais raccourcissent en ESPER (de l’anglais Extra Sensorial Perception). Populaire dans les années 80 (1), le thème était passé de mode depuis. Peut être que Junichi Noujou a voulu rendre plus adulte ce type d’histoires et renouer avec un genre qui n’est autre que des super-héros vus du coté de la science-fiction.
© Junichi Noujou - Kodansha - Delcourt - Akata
Ici, il n’est pas question de super-pouvoirs au service du bien ou du mal. Ce manga est présenté comme une enquête policière à la " X-Files " ou un " bureau de recherche des communications futures " existerait. Taro Saegusa, employé du ministère de l’Intérieur et des Communications s’intéresse à un dénommé Yuma Oda : écolier tranquille ayant un jour montré des pouvoirs étranges, lévitation et hypnose collective. Miho Omori fut l’une des témoins de ces phénomènes paranormaux et est aujourd’hui l’assistante de Taro. Cherchant à comprendre les motivations de ce mystérieux " homme du future " l’histoire avance assez rapidement et de manière claire tout en laissant de grosses interrogations aux enquêteurs comme aux lecteurs. Comment va se passer le grand cataclysme annoncé, qui en sera la cause, et surtout pourquoi ?
© Junichi Noujou - Kodansha - Delcourt - Akata
Si le scénario est intriguant et prenant, le dessin, lui, est dans la lignée de ce qui se fait au japon en matière d’ultra réalisme dans les revues pour adultes, alors que, précisément, cette histoire fut publiée dans le Weekly Shonen Magazine plutôt destiné aux adolescents. Comme ce style est peu distribué en France, le lecteur sera forcement agréablement surpris par la finesse du trait de Junichi Noujou ainsi que la justesse de ses descriptions visuelles. Chaque détail est parfaitement représenté, les expressions sont réalistes et il n’y a pas de place pour la caricature contrairement aux mangas de Hideo Yamamoto (3) qui sont dans un style approchant. Les vêtements et les décors sont actuels et finement observés, cela en devient même d’une précision chirurgicale rendant certaines images glaciales et particulièrement adaptée à un récit d’anticipation. Le lecteur est obligé d’avoir l’œil en éveil afin de ne rater aucun détail de l’image ou du scénario. Afin de créer une tension supplémentaire, la plupart des pages abusent de plans serrés. Les décors sont peu présents et servent le plus souvent à situer le début d’une action. Le mécanisme narratif est indéniablement maîtrisé.
Seule bémol dans ce flot de louanges, l’édition française est, par moment, assez difficile à lire. En effet, le texte est régulièrement placé trop près du pli central et cela oblige à casser le dos afin de bien tirer la page. Toutes les pages étant à bord perdu, ce souci est logique et casse le rythme de lecture à cause de la distraction qu’il génère. Dommage.
© Junichi Noujou - Kodansha - Delcourt - Akata
C’est la seconde œuvre de Junichi Noujou publiée en France (2), cet auteur est pourtant extrêmement réputé au Japon notamment pour ses histoires sur le monde des Yakuza ou du jeu. Il s’est rendu célèbre par " Naki no ryû " ; un manga sur le mah-jong publié en 1985, alors qu’il a déjà trente-quatre ans. Il publie aujourd’hui principalement des histoires courtes.
Clôturé en trois tomes, ce premier volume de " Tokyo fin d’un monde " explique vaguement les choses. La fin en clifhanger incite indéniablement le lecteur à attendre avec impatience la suite à paraître, respectivement, en avril et en juillet 2011.
À noter que les couvertures des trois volumes sont superbes. Elles représentent, respectivement, Yuma Oda, Miho Omori et Taro Saegusa, les trois principaux protagonistes de cette histoire. Composés en bichromie, le noir du trait et la touche de rouge de ces portraits tranchent sur le blanc immaculé du papier. Des couvertures, énigmatiques et froides, à l’instar du manga.
Gwenaël JACQUET
" Tokyo Fin d’un monde " T1 par Junichi Noujou
Éditions Delcourt - Akata (6,95&euro
(1) : En France nous avons eu le dessin animé de long métrage, Luck l’intrépide (" 超人ロック " ou " Chôjin Rokku " en japonais et " Lock the superman " en anglais), long métrage sorti exclusivement en vidéo en 1984 et reprenant ce thème de manière enfantine. Aux USA, c’est le manga de Ikegami " Mai the psychic girl " (Eclipse Comics sous licence viz comics) qui a popularisé ce thème, dés 1987 ; c’est d’ailleurs le premier manga à nécessiter un nouveau tirage des volumes 1 et 2. C’est également, la première série à ne pas être arrêtée avant la fin et, surtout, avoir une première édition reliée en quatre volumes puis une seconde compilant l’histoire complète en seulement trois volumes. Cette série n’a curieusement jamais été publiée en entier en France ou seuls quatre petits recueils sont parus en kiosque (éditions Semic).
(2) : La première œuvre de Junichi Noujou publiée en France fut " Dr Koh ", dont deux volumes sont parus dans les années 90 chez Casterman avant d’être prématurément interrompue.
(3) : " Homunculus " et " Ichi the Killer " de Hideo Yamamoto sont paru chez Tonkam.
Article paru à l’origine sur BDZoom.com
" Tokyo fin d’un monde " est de ces manga résolument positionné sur le créneau adulte sans tomber dans le sexe ou la violence à outrance. L’histoire est réfléchie, digne d’un roman noir et les personnages sont ultras réalistes. Pourtant, le scénario est totalement irréel. Notre monde serait surpeuplé à cause d’humains venant du futur. C’est grâce à une équation découverte à notre époque qu’il serait possible de contrôler certaines facultés de l’esprit et ainsi à arriver à voler dans les airs, hypnotiser les gens ou faire de la télékinésie. Bref, être une personne aux capacités extra-sensorielle plus développées, ce que les Japonais raccourcissent en ESPER (de l’anglais Extra Sensorial Perception). Populaire dans les années 80 (1), le thème était passé de mode depuis. Peut être que Junichi Noujou a voulu rendre plus adulte ce type d’histoires et renouer avec un genre qui n’est autre que des super-héros vus du coté de la science-fiction.
© Junichi Noujou - Kodansha - Delcourt - Akata
Ici, il n’est pas question de super-pouvoirs au service du bien ou du mal. Ce manga est présenté comme une enquête policière à la " X-Files " ou un " bureau de recherche des communications futures " existerait. Taro Saegusa, employé du ministère de l’Intérieur et des Communications s’intéresse à un dénommé Yuma Oda : écolier tranquille ayant un jour montré des pouvoirs étranges, lévitation et hypnose collective. Miho Omori fut l’une des témoins de ces phénomènes paranormaux et est aujourd’hui l’assistante de Taro. Cherchant à comprendre les motivations de ce mystérieux " homme du future " l’histoire avance assez rapidement et de manière claire tout en laissant de grosses interrogations aux enquêteurs comme aux lecteurs. Comment va se passer le grand cataclysme annoncé, qui en sera la cause, et surtout pourquoi ?
© Junichi Noujou - Kodansha - Delcourt - Akata
Si le scénario est intriguant et prenant, le dessin, lui, est dans la lignée de ce qui se fait au japon en matière d’ultra réalisme dans les revues pour adultes, alors que, précisément, cette histoire fut publiée dans le Weekly Shonen Magazine plutôt destiné aux adolescents. Comme ce style est peu distribué en France, le lecteur sera forcement agréablement surpris par la finesse du trait de Junichi Noujou ainsi que la justesse de ses descriptions visuelles. Chaque détail est parfaitement représenté, les expressions sont réalistes et il n’y a pas de place pour la caricature contrairement aux mangas de Hideo Yamamoto (3) qui sont dans un style approchant. Les vêtements et les décors sont actuels et finement observés, cela en devient même d’une précision chirurgicale rendant certaines images glaciales et particulièrement adaptée à un récit d’anticipation. Le lecteur est obligé d’avoir l’œil en éveil afin de ne rater aucun détail de l’image ou du scénario. Afin de créer une tension supplémentaire, la plupart des pages abusent de plans serrés. Les décors sont peu présents et servent le plus souvent à situer le début d’une action. Le mécanisme narratif est indéniablement maîtrisé.
Seule bémol dans ce flot de louanges, l’édition française est, par moment, assez difficile à lire. En effet, le texte est régulièrement placé trop près du pli central et cela oblige à casser le dos afin de bien tirer la page. Toutes les pages étant à bord perdu, ce souci est logique et casse le rythme de lecture à cause de la distraction qu’il génère. Dommage.
© Junichi Noujou - Kodansha - Delcourt - Akata
C’est la seconde œuvre de Junichi Noujou publiée en France (2), cet auteur est pourtant extrêmement réputé au Japon notamment pour ses histoires sur le monde des Yakuza ou du jeu. Il s’est rendu célèbre par " Naki no ryû " ; un manga sur le mah-jong publié en 1985, alors qu’il a déjà trente-quatre ans. Il publie aujourd’hui principalement des histoires courtes.
Clôturé en trois tomes, ce premier volume de " Tokyo fin d’un monde " explique vaguement les choses. La fin en clifhanger incite indéniablement le lecteur à attendre avec impatience la suite à paraître, respectivement, en avril et en juillet 2011.
À noter que les couvertures des trois volumes sont superbes. Elles représentent, respectivement, Yuma Oda, Miho Omori et Taro Saegusa, les trois principaux protagonistes de cette histoire. Composés en bichromie, le noir du trait et la touche de rouge de ces portraits tranchent sur le blanc immaculé du papier. Des couvertures, énigmatiques et froides, à l’instar du manga.
Gwenaël JACQUET
" Tokyo Fin d’un monde " T1 par Junichi Noujou
Éditions Delcourt - Akata (6,95&euro
(1) : En France nous avons eu le dessin animé de long métrage, Luck l’intrépide (" 超人ロック " ou " Chôjin Rokku " en japonais et " Lock the superman " en anglais), long métrage sorti exclusivement en vidéo en 1984 et reprenant ce thème de manière enfantine. Aux USA, c’est le manga de Ikegami " Mai the psychic girl " (Eclipse Comics sous licence viz comics) qui a popularisé ce thème, dés 1987 ; c’est d’ailleurs le premier manga à nécessiter un nouveau tirage des volumes 1 et 2. C’est également, la première série à ne pas être arrêtée avant la fin et, surtout, avoir une première édition reliée en quatre volumes puis une seconde compilant l’histoire complète en seulement trois volumes. Cette série n’a curieusement jamais été publiée en entier en France ou seuls quatre petits recueils sont parus en kiosque (éditions Semic).
(2) : La première œuvre de Junichi Noujou publiée en France fut " Dr Koh ", dont deux volumes sont parus dans les années 90 chez Casterman avant d’être prématurément interrompue.
(3) : " Homunculus " et " Ichi the Killer " de Hideo Yamamoto sont paru chez Tonkam.
Article paru à l’origine sur BDZoom.com