« Marine Blue » T1 par Ai Yazawa
En attendant une hypothétique reprise de la série « Nana », les éditions Delcourt publient les fonds de tiroir de l’auteure. Quand « Marine Blue » est sorti en 1990, c’était la plus longue série réalisée par Ai Yazawa avec quatre tomes. Depuis, elle a publié d’autres titres, dont « Nana » (21 volumes), « Gokinjo » (7 volumes) ou « Paradise Kiss » (5 volumes).
Tachina Haruka a 16 ans et travaille dans le café de son oncle sur une plage réputée des surfeurs. Là, elle y fait la rencontre d’un jeune homme extrêmement doué et jalousé par son cousin, lui aussi adepte du surf. Mais le bellâtre est loin d’être un inconnu, il lui a même sauvé la vie lorsqu’elle avait dix ans. Prise d’une crampe en pleine mer, il l’avait immédiatement ramenée sur la plage. Depuis, elle était secrètement amoureuse de lui, mais rien ne s’est passé comme elle l’imaginait. Il avait notamment dû partir faire des études aux États-Unis et lui avait seulement laissé son chien, Dolphins, en cadeau d’adieu.
Entre rivalité amoureuse et compétition de surf, la vie paisible d’Haruka va vite prendre des tournures romanesques. Une fois les bases de l’histoire posées dans le premier chapitre, les quiproquos et les rendez-vous ratés vont se succéder, afin de rapprocher tour à tour ces garçons et cette jeune fille un peu perdue, dans le tourbillon de leur jeunesse.
Dix ans séparent « Marine Blue » de « Nana » et cela se voit. Malgré ses études de stylisme avorté, Ai Yazawa n’avait pas encore sa patte caractéristique et fashion qui l’a rendu célèbre. Le style est classique, voire même absent. Rien ne différencie cette série des divers mangas pour filles publiés dans les années quatre-vingt-dix. On est loin de retrouver l’auteur de « Nana » dans cette histoire et ces dessins. Les fans seront surpris. Mais cela n’en fait pas un mauvais manga. C’est même un retour dans ces années où le shojo manga a vu son offre exploser et se diversifier. Depuis une dizaine d’années, les codes qui définissaient les œuvres destinés à un public féminin ou masculin étaient très clairs. Les éditeurs cherchaient surtout à coller une étiquette en fonction du genre et du public visé. Petit à petit, cette frontière a éclaté et la situation est aujourd’hui plus ambiguë, même si certains genres « classiques » perdurent. Les cases explosent, les pages sont à bord perdu, les trames sont omniprésentes et surtout grattées pour donner un peu d’effet. Le trait à la plume est assez nerveux avec son épaississement artificiel et ses hachures qui remplissent l’espace. On est clairement dans le registre du shojo manga avec son lot de clichés caractéristiques.
« Marine Blue », c’est un peu comme revisiter l’Histoire du manga. Toucher du doigt ce qui se faisait au siècle dernier, il y a maintenant 25 ans. Un quart de siècle nous sépare de ce titre et il ne faut pas l’oublier en le feuilletant. Les fans seront sensibles à cette pièce d’anthologie, les amateurs de shojo pur et dur le seront également. Les autres passeront leur chemin.
Gwenaël JACQUET
« Marine Blue » T1 par Ai Yazawa
Éditions Delcourt (6,99 &euro – ISBN : 978-2-7560-6651-6