"Soil" T1 par Atsushi Kaneko
Non, vous ne vous êtes pas trompé de rubrique, c’est bien le " Zoom Manga ". Pourtant, " Soil " de Atsushi Kaneko ressemble plus à un comics underground américain qu’a une BD nippone. " Bambi ", son autre manga publié en France chez IMHO, ressemblait déjà à un road-movie à la Tarantino et non à un " Naruto ".
" Soil ", c’est le nom d’une petite banlieue tranquille dans le Japon contemporain. Le début de l’histoire est assez énigmatique : une étoile filante traverse le ciel et le temps. Durant les premières pages, on est témoins de son passage lors de différents événements ayant marqué ce lieu. Dans des temps anciens, il fut occupé par des indigènes pratiquant des rites vaudou. Ensuite, dans le Japon des samouraïs, il fut le théâtre d’une série de meurtres au sabre. À notre époque, on y a bâti un quartier moderne, mais ordinaire, où on assiste à la disparition d’une famille tout aussi ordinaire.
© Atsushi Kaneko - Ankama
Les trente-trois premières pages sont muettes et c’est à la trente-quatrième qu’apparaît un duo improbable de policiers dont les répliques sont dignes d’un film américain. Yokoï et Onoda sont deux stéréotypes balancés sur une enquête de routine. Le premier est capitaine de police : il a des manières de rustre, des propos déplacés, extrêmement misogynes, il sue à grosse goûte au moindre effort, porte une moumoute ridicule, se gratte en permanence l’entre jambe ou autres parties du corps en réfléchissant, bref, c’est un " porc ". La seconde est une jeune détective peu sûre d’elle contrairement à ce qu’elle veut essayer de faire croire. Plutôt mal habillée, elle est vue comme un gros " thon " par les enfants de Soil, à cause de sa chevelure hirsute et de ses lunettes à gros verres, complètement hors mode.
© Atsushi Kaneko - Ankama
Leur enquête consiste à trouver comment et pourquoi une famille tranquille a disparu une nuit sans laisser de trace, à l’exception d’une montagne de sel dans la chambre de la jeune fille de la maison. Sel que l’on retrouvera dans la cour de l’école dans des proportions démesurées, prenant la forme d’une montagne. Petit à petit, le lecteur prendra conscience du malaise entretenu dans cette ville nouvelle par le délégué de l’association du quartier : sorte de tyran ayant installé des caméras partout afin de surveiller les faits et geste des habitants et la bonne tenue des rues. Une propreté exemplaire, un fleurissement abondant et une entente cordiale, sans vague, sont, selon lui, le secret d’un bonheur qu’il entend bien préserver. Mais tout ne se passe pas aussi simplement : ce qui causera sa perte.
" Soil " est un manga atypique. Découvert par Jean-David Morvan ; fraîchement embauché par Ankama, ce scénariste passionné du Japon a pour mission de dénicher des titres plus adultes, sortant des clichés ordinaires. Véritable « chasseur de mangas » pour cette jeune et dynamique entreprise de Roubaix, dont le succès a été fulgurant et qui est en pleine expansion grâce à la série de jeu en ligne " Dofus ", il propose deux autres séries plus classiques pour ce début d’année 2011 : " Hitman " et " La Paire et le Sabre "(1).
© Atsushi Kaneko - Ankama
Si le scénario de " Soil " est ordinaire et reprend des clichés éculés qui ont fait le bonheur des films de genre et de duo comique aux USA, le dessin lui prend également ses racines dans le comics underground. Clairement influencé par la ligne claire d’auteurs tels que Charles Burns (" Black Hole ") ou Daniel Clowes (" Ghost world ") ce dessinateur joue sur une narration bien différente de ce qui se fait en matière de manga. Si ce n’est quelques onomatopées et des personnages bien typés japonais, il serait facile de faire passer cette série pour une création d’auteur typiquement américain. Le trait de Atsushi Kaneko est vif, extrêmement clair, il offre un encrage au pinceau mettant en avant des pleins et des déliés parfaitement calculé. Du coup, cela fait un dessin presque froid et rigide, on sent une tension dérangeante et parfaitement adaptée au contexte du thriller. La grosse particularité du dessin de Atsushi Kaneko, c’est ce soin et cette minutie apportés aux visages des protagonistes. Parfaitement calibré, chaque trait est à sa place, rien ne dépasse. Par opposition, dés que l’on passe sur les vêtements, les objets et les décors, les traits se chevauchent dans tous les sens, ils n’ont plus de frontières et même les contours des cases ne sont pas respectés. Cette spontanéité dans le trait est inhabituelle et rend chaque page dynamique tout en cassant le côté net des contours.
Les traits dépassent les uns sur les autres entrecoupant chaque vêtement et morceau de décor © Atsushi Kaneko - Ankama
Par opposition, les visages sont parfaitement net, aucune ligne en trop et différentes épaisseurs de traits renforce l’expression des personnages © Atsushi Kaneko - Ankama
L’édition française est soignée, les pages couleur sont respectées et les pages d’introduction sur papier calque sont conservées. La jaquette en bichromie, noir et bleu n’est pas glacée ni pelliculée ce qui renforce le côté atypique du titre.
© Atsushi Kaneko - Ankama
Un peu lent a démarré au niveau de l’histoire, ce manga cache de grands mystères qui malheureusement ne seront que peu dévoilés dans ce premier tome. Néanmoins, cela attise la curiosité du lecteur qui devrait se jeter sur les dix prochains volumes afin de découvrir quelles énigmes cachent cette ville de " Soil ".
Gwenaël Jacquet
" Soil " T1 par Atsushi Kaneko
Éditions Ankama, Collection Kuri Seinen (8,55 &euro
(1)" Hitman " de Hiroshi Mutô. Polar violent racontant la double vie de Tôkichi, employé de bureau se muant en tueur à gages. Série finie en 17 volumes (7,95 &euro.
" La Paire et le Sabre " de Hideki Yamada, série destinée aux garçons qui compte actuellement 5 volumes (7,95 &euro. Grosse poitrine et fans service dans le Japon des samouraïs.
Article paru à l’origine sur BDZoom.com
" Soil ", c’est le nom d’une petite banlieue tranquille dans le Japon contemporain. Le début de l’histoire est assez énigmatique : une étoile filante traverse le ciel et le temps. Durant les premières pages, on est témoins de son passage lors de différents événements ayant marqué ce lieu. Dans des temps anciens, il fut occupé par des indigènes pratiquant des rites vaudou. Ensuite, dans le Japon des samouraïs, il fut le théâtre d’une série de meurtres au sabre. À notre époque, on y a bâti un quartier moderne, mais ordinaire, où on assiste à la disparition d’une famille tout aussi ordinaire.
© Atsushi Kaneko - Ankama
Les trente-trois premières pages sont muettes et c’est à la trente-quatrième qu’apparaît un duo improbable de policiers dont les répliques sont dignes d’un film américain. Yokoï et Onoda sont deux stéréotypes balancés sur une enquête de routine. Le premier est capitaine de police : il a des manières de rustre, des propos déplacés, extrêmement misogynes, il sue à grosse goûte au moindre effort, porte une moumoute ridicule, se gratte en permanence l’entre jambe ou autres parties du corps en réfléchissant, bref, c’est un " porc ". La seconde est une jeune détective peu sûre d’elle contrairement à ce qu’elle veut essayer de faire croire. Plutôt mal habillée, elle est vue comme un gros " thon " par les enfants de Soil, à cause de sa chevelure hirsute et de ses lunettes à gros verres, complètement hors mode.
© Atsushi Kaneko - Ankama
Leur enquête consiste à trouver comment et pourquoi une famille tranquille a disparu une nuit sans laisser de trace, à l’exception d’une montagne de sel dans la chambre de la jeune fille de la maison. Sel que l’on retrouvera dans la cour de l’école dans des proportions démesurées, prenant la forme d’une montagne. Petit à petit, le lecteur prendra conscience du malaise entretenu dans cette ville nouvelle par le délégué de l’association du quartier : sorte de tyran ayant installé des caméras partout afin de surveiller les faits et geste des habitants et la bonne tenue des rues. Une propreté exemplaire, un fleurissement abondant et une entente cordiale, sans vague, sont, selon lui, le secret d’un bonheur qu’il entend bien préserver. Mais tout ne se passe pas aussi simplement : ce qui causera sa perte.
" Soil " est un manga atypique. Découvert par Jean-David Morvan ; fraîchement embauché par Ankama, ce scénariste passionné du Japon a pour mission de dénicher des titres plus adultes, sortant des clichés ordinaires. Véritable « chasseur de mangas » pour cette jeune et dynamique entreprise de Roubaix, dont le succès a été fulgurant et qui est en pleine expansion grâce à la série de jeu en ligne " Dofus ", il propose deux autres séries plus classiques pour ce début d’année 2011 : " Hitman " et " La Paire et le Sabre "(1).
© Atsushi Kaneko - Ankama
Si le scénario de " Soil " est ordinaire et reprend des clichés éculés qui ont fait le bonheur des films de genre et de duo comique aux USA, le dessin lui prend également ses racines dans le comics underground. Clairement influencé par la ligne claire d’auteurs tels que Charles Burns (" Black Hole ") ou Daniel Clowes (" Ghost world ") ce dessinateur joue sur une narration bien différente de ce qui se fait en matière de manga. Si ce n’est quelques onomatopées et des personnages bien typés japonais, il serait facile de faire passer cette série pour une création d’auteur typiquement américain. Le trait de Atsushi Kaneko est vif, extrêmement clair, il offre un encrage au pinceau mettant en avant des pleins et des déliés parfaitement calculé. Du coup, cela fait un dessin presque froid et rigide, on sent une tension dérangeante et parfaitement adaptée au contexte du thriller. La grosse particularité du dessin de Atsushi Kaneko, c’est ce soin et cette minutie apportés aux visages des protagonistes. Parfaitement calibré, chaque trait est à sa place, rien ne dépasse. Par opposition, dés que l’on passe sur les vêtements, les objets et les décors, les traits se chevauchent dans tous les sens, ils n’ont plus de frontières et même les contours des cases ne sont pas respectés. Cette spontanéité dans le trait est inhabituelle et rend chaque page dynamique tout en cassant le côté net des contours.
Les traits dépassent les uns sur les autres entrecoupant chaque vêtement et morceau de décor © Atsushi Kaneko - Ankama
Par opposition, les visages sont parfaitement net, aucune ligne en trop et différentes épaisseurs de traits renforce l’expression des personnages © Atsushi Kaneko - Ankama
L’édition française est soignée, les pages couleur sont respectées et les pages d’introduction sur papier calque sont conservées. La jaquette en bichromie, noir et bleu n’est pas glacée ni pelliculée ce qui renforce le côté atypique du titre.
© Atsushi Kaneko - Ankama
Un peu lent a démarré au niveau de l’histoire, ce manga cache de grands mystères qui malheureusement ne seront que peu dévoilés dans ce premier tome. Néanmoins, cela attise la curiosité du lecteur qui devrait se jeter sur les dix prochains volumes afin de découvrir quelles énigmes cachent cette ville de " Soil ".
Gwenaël Jacquet
" Soil " T1 par Atsushi Kaneko
Éditions Ankama, Collection Kuri Seinen (8,55 &euro
(1)" Hitman " de Hiroshi Mutô. Polar violent racontant la double vie de Tôkichi, employé de bureau se muant en tueur à gages. Série finie en 17 volumes (7,95 &euro.
" La Paire et le Sabre " de Hideki Yamada, série destinée aux garçons qui compte actuellement 5 volumes (7,95 &euro. Grosse poitrine et fans service dans le Japon des samouraïs.
Article paru à l’origine sur BDZoom.com